Le système de subvention, généralisé aux prix des produits de base, est aujourd'hui remis en cause. Critiquées des années durant par le FMI, les subventions posent aujourd'hui un réel problème. Au-delà de la menace que font peser les dépenses sociales qui constituent plus de 13% du PIB, sur les équilibres budgétaires, on semble prendre aujourd'hui toute la mesure de l'inefficience d'un système qui n'est au final qu'un raccourci, une manière d'acheter la paix sociale. Si la problématique est palpable depuis quelques années, cela ne fait que quelques semaines que divers responsables se sont relayés pour prêcher la nécessité de revoir le système grâce à la mise en place d'un groupe de réflexion interministériel. Que ce soit du côté du ministère des Finances, du département du Commerce ou encore de celui de l'Agriculture, il y a consensus à dire que les subventions profitent aussi bien aux riches qu'aux pauvres. Ce qui n'est pas une révélation en soi. Les subventions, qu'elles soient budgétisées – comme celles destinées aux prix du lait, des céréales et du pain –, qu'elles soient implicites – comme celles destinées aux prix de l'eau, de l'énergie et des carburants –, qu'elles prennent la forme d'aides au logement ou bien celle d'exonération de droits de douane et de TVA pour les produits de base importés comme le sucre et l'huile, bénéficient, dans une certaine mesure, au ménage algérien qu'il soit défavorisé ou nanti sans discrimination en théorie. En regardant le verre à moitié plein, on dira que les subventions aident les ménages à joindre les deux bouts.Or, le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, a mis à l'index, il y a quelques jours, les gaspillages issus de ce système. Le ministre a ainsi évoqué un modèle de consommation algérien sur lequel il est essentiel de se pencher. Ainsi, selon les chiffres du ministère de l'Agriculture, le citoyen algérien consomme actuellement 247 kg par an de céréales contre 130 à 140 dans les pays voisins. Tandis que pour le lait, la consommation annuelle par habitant est estimée à 147 litres, alors que la moyenne mondialement admise est de 90. Poser le problème ainsi, c'est le vider de son essence. Selon Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), les regards se focalisent actuellement sur le lait, les céréales, le sucre et l'huile, alors qu'en Algérie, tout est subventionné comme l'énergie, le logement, les soins, etc. Prise ainsi, la problématique révèle d'importantes failles du système. Ainsi, on comprend comment une bonne partie des dépenses sociales de l'Etat est détournée au profit d'une certaine caste au point où l'objectif même d'aide aux ménages défavorisés a été dévoyé. Le cas de l'accès au logement ou aux établissements de soins en est la parfaite illustration. Autre exemple pouvant refléter les failles du système : le soutien des prix des céréales et du lait. Il est de notoriété publique qu'une part des marchandises de base subventionnées destinées à la fabrication de produits de large consommation, comme le lait en sachet ou le pain, sont détournées au profit de produits dérivés dans le seul but de gonfler les profits des transformateurs. De même que le maintien des exonérations de droits de douane et de TVA sur le sucre raffiné importé, alors que les prix sur les marchés internationaux ont baissé de moitié, permet aux importateurs de réaliser des bénéfices monumentaux. Il n'existe pas de solution miracle Aussi, imputer la hausse continue des importations de produits de base au seul fait du gaspillage, comme le fait le ministre du Commerce, est un raccourci. Le faire, c'est omettre que le différentiel des prix né des subventions permet d'alimenter des réseaux de contrebande qui approvisionnent les pays limitrophes. Que devra donc faire le gouvernement afin d'arrêter la saignée ? Des solutions se profilent à l'horizon. La première émane des associations patronales. Le président du FCE plaide, dans ce sens, pour un système qui favoriserait la production locale. Il estime ainsi que tant que les pouvoirs publics continueront à subventionner les produits importés, ils n'inciteront pas les producteurs potentiels locaux à investir dans l'agriculture. M. Hamiani estime que la norme admise est de subventionner l'amont agricole. En attendant un bond significatif de la production agricole et une intégration de la filière agroindustrielle, comme souhaité par le gouvernement et les opérateurs, il faudra cibler et rationaliser les subventions. La tendance qui se dégage actuellement va vers la subvention des ménages au lieu d'une subvention des produits. Une idée qui reçoit l'assentiment des représentants du gouvernement et des opérateurs. Reste que la mise en œuvre de ce genre de système devra être mûrement réfléchie, dans la mesure où il faudra éviter de tomber dans une spirale inflationniste et qu'il faudra disposer d'une entité performante capable de cibler en toute transparence les ménages à subventionner, au risque de créer un système qui ne fera que reproduire les travers déjà constatés. Aussi, une question demeure : un retour vers la vérité des prix sera-t-il admis par la population même s'il doit s'accompagner d'une augmentation des salaires et de la mise en place d'un filet social ?