Inside Llewyn Davis, le dernier film de Joel et Ethan Coen, en compétition officielle à Cannes, nous plonge dans l'univers folk des années 1960, aux Etats-Unis. Cannes (France) De notre envoyé spécial Le chat est un véritable personnage dans le dernier film des frères Coen, Inside Llewyn Davis. Un chat qui s'échappe par la fenêtre, qui court, qui se cache et qui revient. Non, ce n'est pas le retour en chair et en os de Garfield, le félin malicieux de Jim Davis. C'est un chat roux qui mène, joue avec les nerfs du chanteur folk, Llewyn Davis, (interprété par l'acteur américano-cubain, Oscar Isaac). Durant le tournage, les producteurs ont chargé deux personnes de s'occuper de six chats ! Chez ses amis musiciens, Jim (Justin Timberlake) et Jean (Carey Mulligan), Davis dort sur un canapé. Il se fait réveiller justement par le chat, qui l'oblige à sortir en courant dans la rue. Davis mène une vie de bohème d'un appartement à l'autre, d'un bar à l'autre, d'un espoir à un autre. Sa musique, la folk, ne lui garantit pas le succès ni la gloire. Ethan et Joel Coen suivent donc dans ce film, projeté à la salle Debussy à la faveur du 66e Festival de cinéma de Cannes, ce chanteur désargenté, un peu désaxé et rêveur sur les bords, pendant une semaine. Le deuxième plan du film explique quelque peu l'histoire : à la sortie d'un bar, Davis se fait tabasser par un inconnu dans une ruelle sombre. C'est que Llewyn Davis, ancien marin, n'a pas de chance. Il subit un destin qui ne semble rien lui laisser de côté ! Il a froid, a les pieds mouillés après des chutes de neige, ne sait pas où aller ni où dormir. En un mot, la galère ! Les scènes artistiques de l'époque étaient bien exigeantes. «On ne gagne pas sa vie avec ça !», crie un producteur de Chicago à la face de Davis, venu lui demander une place sous les projecteurs. Davis ressemble au chanteur et guitariste de la folk et du blues, Dave Van Ronk, auteur notamment d'un livre de référence sur cette époque, The mayor of MacDougal street, co-écrit avec Elijah Wald, célèbre par des chansons telles que Cocaïne ou Tell old Bill. Les deux cinéastes américains se sont inspirés partiellement de ce livre pour construire le scénario. «On voulait montrer l'ambiance de Greenwich Village à cette époque. Le film n'a pas réellement d' histoire. Il n'y a pas d'intrigue. D'où la présence du chat !», a soutenu Ethan Coen, lors de la conférence de presse. La touche «so frenchy», dans le film, a donc une explication. Selon Elijah Wald, la scène folk du Greenwich Village, à la fin des années 1950, a été ignorée par les médias et oubliée par les fans, voire par les historiens de la culture. «On a tendance à passer directement de Pete Seeger et ses tubes avec les Weavers au début des années 1960, à l'arrivée de Bob Dylan. La scène du Greenwich Village était composée de musiciens amateurs sincères et enthousiastes», a-t-il expliqué. Greenwich Village, qui est situé au sud de Manhattan à New York, est connu aujourd'hui pour sa scène théâtrale et ses groupes de jazz-blues. Chanteur à ses heures perdues, Oscar Isaac a donné une certaine crédibilité à son personnage. «Je ne suis pas un Suédois de grande taille. Lorsque les frères Coen m'ont choisi, on a essayé d'imaginer le personnage. La musique de Davis vient de son âme. C'est ce qu'il montre aux gens. Nous avons travaillé tous les trois, chaque jour, d'une manière concrète», a souligné l'acteur. Oscar Isaac a notamment joué, en 2010, dans le film de Ridley Scott, Robin des bois et dans celui de Zack Synder, Sucker punch, une année après. «Au début, j'étais assez nerveux. On s'est rencontré, on a travaillé et écouté la musique. Nous avons fait des choix. Joel et Ethan ont un art qui vous met à l'aise», a relevé, pour sa part, Carey Mulligan. John Goodman, qui a joué le rôle de Roland Turner lors d'un voyage en voiture vers Chicago, a ajouté des épices au film. Le public réagissait à chaque réplique de ce vieil artiste, victime d'une diarrhée, après avoir consommé «un dégoûtant» sandwich au fromage. Le rôle semble avoir été écrit sur mesure pour John Goodman, excellent. En 2011, dans The Artist, le film du Français Michel Hazanavicius, John Goodman avait interprété le rôle du producteur d'Hollywood. Jess Gonchor aux décors et Mary Zophres aux costumes ont admirablement restitué l'ambiance de l'époque dans Inside Llewyn Davis. A la production musicale, T. Bone Burnett a réussi, lui aussi, à recomposer l'âme revival de la folk music de cette période, structurant dans la foulée la trame de la fiction. Même si Inside Llewyn Davis n'est pas forcément le meilleur film des frères Coen, cette comédie dramatique a un côté revigorant qui plaît, qui accroche. C'est un cinéma qui ne cherche pas les grands discours ni les grandes idées. C'est une histoire simple interprétée par des acteurs convaincants. Avec les frères Coen, on ne s'ennuie jamais et on quitte la salle rassuré presque renforcé ! Inside Llewyn Davis sortira dans les salles en Europe, l'automne prochain.