24 tonnes de résine de cannabis ont été saisies en l'espace de quatre mois seulement sur la bande frontalière. Plus du double que toutes les années précédentes. Depuis janvier dernier, soit en quatre mois, des statistiques révèlent que sur la bande frontalière ouest, les services de la Gendarmerie nationale ont procédé à la saisie de 14 tonnes de résine de cannabis, ceux des Douanes 8 tonnes et 2 tonnes pour le Service régional de lutte contre la contrebande et le trafic de drogue (police). Ce qui est effarant, souligne un officier des Douanes de Maghnia, c'est que pour toute l'année 2012, nos services ont saisi 19 tonnes de drogue et qu'en quatre mois seulement (de janvier à mai 2013), on a mis la main sur 8 tonnes, presque la moitié en si peu de temps et l'année n'est pas encore terminée…» Un acharnement qu'un responsable, au fait de ce trafic à grande échelle, ne considère pas comme un simple hasard : «De l'autre côté de la barrière, le makhzen utilise ses armes insidieuses, principalement la drogue, en cette période qu'il (le makhzen) croit fébrile en Algérie. Les événements au nord du Mali, en Libye, l'instabilité en Tunisie, la maladie de Bouteflika et des mouvements de colère dans certaines régions de notre pays sont une opportunité pour nos voisins.» Des chiffres plus alarmants, il en existe. Pour le premier semestre 2012, 42 tonnes de stupéfiants ont été saisies par seulement les services de la Gendarmerie nationale. «66% de la quantité saisie durant les six premiers mois de 2012 l'ont été dans la seule wilaya de Tlemcen», nous dit-on. Nos sources indiquent que les quantités que «reçoit» l'Algérie, soit 75% de celles saisies à l'ouest et au sud-ouest du pays, sont le fruit de la production des mois de mai et juin 2012 et des stocks (liquidation) de l'année 2011. Pris en flagrant délit de trafic, le Maroc est accablé par l'Organe international de contrôle de stupéfiants (OICS). En effet, dans son rapport 2012 sur l'état de la production et du trafic des plus gros producteurs et exportateurs de drogue dans le monde, cet organe onusien révèle que «le Maroc est leader mondial de l'exportation de cannabis». Et de préciser, en citant l'Organisation mondiale des douanes, que «72% de la quantité totale de résine de cannabis saisie par les autorités douanières mondiales sont d'origine marocaine, soit 138 tonnes». La même source corrobore les chiffres en notre possession en notant que «les autorités algériennes ont saisi plus de 53 tonnes de résine de cannabis qui transitaient par le territoire national en 2011 et 26 tonnes au premier semestre de 2012». Sur le territoire chérifien, du côté de Ketama (Rif), une superficie de 47 400 ha est réservée à la culture du kif. De l'autre côté de la frontière, un récent rapport sur le commerce illicite établi par la Chambre de commerce, d'industrie et de services de Oujda, indique que «70% de l'économie de la région du Maroc oriental dépendent de la contrebande et nous estimons le chiffre d'affaires moyen de cette activité à 6 milliards de dirhams par an. Le secteur informel emploie plus de 10 000 personnes et couvre l'essentiel des besoins de consommation». Commerce illicite veut dire «produits algériens écoulés dans cette région est du royaume». 6 milliards de dirhams de chiffre d'affaires Et pour obtenir un indice sur l'ampleur de «l'importation» par les chemins détournés de la marchandise «made in Algeria», un tour au «souk el fellah» du boulevard Allal El Fassi, à Oujda, s'impose. La semoule, la farine (taxées à 90% au Maroc contre seulement 5% en Algérie), des médicaments made in Saidal et importés par le ministère algérien de la Santé, l'huile de table, les œufs, des ustensiles provenant d'Algérie – des produits pour la plupart subventionnés par l'Etat algérien – sont fortement prisés, essentiellement pour leur prix. Pour le trafic de carburants, nous avons appris des différents services algériens de sécurité et des Douanes qu'en moyenne «cinq millions de litres ont été saisis et que 10 fois cette quantité, qui passe entre les mailles des filets, sont frauduleusement exportés vers le Maroc». Un communiqué de la Gendarmerie royale (Maroc) révèle que «durant le mois de décembre dernier, les services de la Gendarmerie royale ont mis la main sur une vingtaine de tonnes de carburant de contrebande en provenance d'Algérie». Selon nos informations, «le gasoil algérien a provoqué la fermeture d'une vingtaine de stations-service dans la région est du royaume. Actuellement, on n'en compte que six, et encore, elles ne font que dans les services, comme le lavage-vidange et très peu dans la vente de carburants, dont seules les institutions publiques sont clientes». Ce trafic est tellement vital pour le Maroc que la crise du carburant qui a touché la wilaya de Tlemcen, ces dernières semaines, a alerté les autorités du royaume, si bien que l'Observatoire de la contrebande de la Chambre de commerce d'Oujda a appelé les autorités marocaines à prendre les mesures qui s'imposent afin de prévenir la paralysie de toute la région est du Maroc. Le rapport de cet Observatoire a tiré la sonnette d'alarme : «Les flux de carburants vendus en contrebande peuvent être coupés à tout moment. Ainsi, l'alimentation d'un stock stratégique de carburant national au niveau de l'Oriental s'avère nécessaire.» Et de souligner que «depuis la faillite des stations-service de la région, la majorité des voitures et engins agricoles évoluant dans les villes du Maroc oriental (Oujda, Taourirt, Berkane, Saïdia...) dépendent du carburant algérien dont le prix a connu une hausse de 100%». Voilà un aveu des autorités marocaines sur les retombées d'un phénomène illégal dont bénéficie le Maroc et dont le préjudice, pour la partie algérienne, serait évalué à des centaines de milliards de dinars. Un phénomène contre lequel les Algériens luttent depuis de nombreuses années. Devant l'ampleur de ce trafic à grande échelle, l'Algérie a sollicité les Nations unies pour dépêcher une commission d'enquête sur les lieux. Une commission qui sera à Tlemcen dans les prochains jours, si l'on se fie à un haut responsable de la wilaya. Selon la même source, des tranchées profondes seront creusées tout le long du tracé frontalier, de Marsat Ben M'hidi à Béchar sur 700 km, pour couper la route à tous les trafics…