La rumeur continue d'enfler sur l'état de santé du président de la République en l'absence d'informations et surtout d'images qui viendraient appuyer les assurances officielles. La rumeur continue d'enfler sur l'état de santé du président de la République en l'absence d'informations et surtout d'images qui viendraient appuyer les assurances officielles. Des scénarios quant à la succession et à l'avenir immédiat de l'institution présidentielle nourissent les spéculations, mais aucun ne semble reposer sur des données concrètes. Jamais l'Algérie n'a connu une situation aussi incertaine. Une atmosphère politique lourde étreint le pays. Un président malade, hospitalisé à Paris dans un établissement médical de l'armée française depuis 45 jours. Une première dans les annales politiques. Le rigoureux black-out qui entoure son réel état de santé entretient le flou, laissant place à d'incessantes rumeurs et spéculations des plus contradictoires. Le flou s'épaissit de jour en jour. Certains le disent en période de «récupération» et qu'il serait «bientôt de retour», d'autres estiment par contre qu'il serait dans un état «extrêmement critique». Le discours officiel, usé, apparaît de plus en plus moins convaincu et moins convaincant. Il trahit un malaise visible. Les dirigeants politiques tentent de rétablir une confiance depuis longtemps rompue. Elle est entamée par des années de mensonge et ce ne sont sans doute pas les bégayements actuels, sur un sujet aussi lourd que l'avenir de l'institution première du pays, qui vont la raccommoder. Si le sort du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, est suspendu au bulletin de santé que lui établissent ses médecins traitants, le pays, quant a lui, s'engouffre dangereusement dans l'inconnu. L'Algérie ne sait plus où elle va. Après 14 ans de règne de Bouteflika, marqués par l'extinction de la vie politique, de mise au pas des partis et des organisations de la société civile et de soumission des institutions gagnées par la déliquescence avancée, le pays navigue à vue. La boussole nationale est totalement brouillée. Le Parlement où devrait se dérouler le débat sur l'avenir du pays se trouve hors du jeu politique. Les partis «pétrifiés» par le flou ambiant sont aphones pendant que l'opinion publique est ballottée d'une rumeur à l'autre. Il reste les rares personnalités politiques qui tentent de peser dans le jeu appelant à amorcer un processus de transition démocratique. Dans l'ombre, les décideurs échafauderaient des plans. S'achemine-t-on vers une élection présidentielle anticipée ? Pas exclu mais dans quelles conditions ? Les voies du sérail sont impénétrables. De plus en plus. Sans nul doute, la succession de Bouteflika s'annonce complexe. Comme son retour au pouvoir en 1999, 14 ans après, son départ est problématique. De nombreux acteurs politiques estiment qu'après 45 jours d'absence du Président pour cause de maladie, il faut déclarer l'état d'empêchement. Le Conseil constitutionnel, à qui échoit le devoir de «vérifier la réalité de cet empêchement», est-il en mesure de prendre cette responsabilité ? Pas si évident. «Franchement, il serait impossible de faire quoi que ce soit», avait indiqué l'ancien président du Conseil constitutionnel, Saïd Bouchaïr. Désormais, cette haute institution juridique est plus que jamais interpellée. Son président Tayeb Belaïz, un homme du clan présidentiel, pourra-t-il assumer cette responsabilité ? Est-il suffisamment indépendant pour prononcer la «sentence» ? Des sources sûres assurent qu'il ne se rend plus à son bureau depuis plus d'une semaine. Cependant, il semblerait que les décideurs, en pleines tractations sur les scénarios possibles d'une transition douce, préféreraient – sauf cas de force majeure – éviter le recours au fameux article 88 de la Constitution. Pris de court par la brusque rechute du Président, le 27 avril dernier, ils veulent gagner du temps en repoussant l'échéance. Encore une fois, les regards sont tournés vers les centres occultes du régime. Comme une fatalité, le prochain Président sortirait de l'urne obscure des salons feutrés du sérail. Une option qui condamnerait le pays à d'autres crises politiques futures. Jusque-là imperméable à toute idée du changement démocratique, le pouvoir serait-il contraint d'écouter les voix qui s'élèvent dans la société ? Les dépositaires du pouvoir, rompus aux pratiques de l'ombre, ne laissent transparaître aucune indication sur leurs intentions réelles. En somme, le pays s'apprête à vivre une autre succession à haut risque. Dès l'indépendance, la passation de pouvoir se faisait sur fond de crise politique. Depuis le coup d'Etat militaire contre Ben Bella en juin 1965 auquel Bouteflika a pris part, l'accession à la présidence de la République s'apparente à une prise du palais. Signe d'une instabilité politique chronique, voire congénitale.