Scandalisé par les déclarations de Mustapha Farouk Ksentini, président de la commission ad hoc sur les disparus, faites le 27 juillet dernier au forum d'El Moudjahid, Me Ali Yahia Abdenour a répliqué de la manière la plus virulente, hier, dans une conférence de presse au siège de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH) à Alger. « Il (Farouk Ksentini) nous a montré, au début, un visage ouvert, mais maintenant le masque vient de tomber. Il n'est finalement qu'un représentant officiel du Pouvoir. Et, ainsi, il pollue les droits de l'homme par ses déclarations graves qui sont contraires à l'éthique de juriste et en contradiction avec la philosophie des droits de l'homme », a-t-il relevé. Ajoutant : « Comment un défenseur et protecteur des droits de l'homme peut-il être contre la levée de l'état d'urgence ? » Outré par les propos de Ksentini disant que « l'Etat est responsable, mais il n'est pas coupable », le conférencier les a qualifiés d'« extrêmement grave », pointant ainsi un doigt accusateur vers leur auteur qui, à ses yeux, avait entrepris « une démarche qui consiste à effacer les violations massives des droits de l'homme », en répliquant que « l'Etat est coupable ». Le vice-président de la LADDH, M. Zahouane Hocine, a condamné, lui aussi, « la manœuvre du Pouvoir par laquelle il veut acheter non seulement le silence des familles des disparus, mais aussi la renonciation à demander justice ». Me Ali Yahia lui emboîte le pas. « La commission ad hoc présidée par ce dernier ne fait aucune investigation. Et nous revendiquons une commission indépendante », parce que « les ligues sont écartées et les familles concernées n'ont pas été associées ». L'orateur a vertement critiqué « l'immoralité de l'initiative de Ksentini » qui consiste à verser de l'argent (un million de dinars) aux ayants droit, en leur faisant signer des documents de renonciation en vue de classer définitivement ce dossier. A ces arguties, le président de la LADDH oppose un niet catégorique. « Ceux qui ont commis des crimes devront être jugés. Arrêtez l'Etat de l'impunité, qui n'est que le privilège des privilégiés », a-t-il martelé. « Nous lui (Ksentini) demandons de cesser de parler au nom des droits de l'homme et de se contenter de répercuter la volonté du président de la République », ajoutera le porte-parole de la LADDH. Revenant sur la découverte jeudi 29 juillet d'un charnier à Blida, l'orateur persiste et signe : « Il faut que le Pouvoir dise la vérité. S'ils sont morts (les disparus), qu'il dise où ils ont été ensevelis pour que leurs familles puissent faire les funérailles et commencer le deuil. » Ces familles, qui refusent « la vente concomitante, n'abdiqueront pas. Leur détermination est puisée de la justesse de leur cause », a souligné avec énergie Mlle Ighil Lila, présidente de la Ligue algérienne des familles des disparus, venue, elle aussi, apporter son témoignage. Le conférencier s'est demandé pourquoi on n'a jamais parlé des 12 charniers qui ont été découverts auparavant et pourquoi on parle de ce dernier qui a été indiqué par un repenti. Comment n'a-t-il pas été jugé pour un tel horrible massacre ? s'est-il encore, à nouveau, interrogé. Sur l'éventuelle existence de camps secrets, le président de la LADDH reconnaît que « la ligue n'a pas pu dénicher l'authenticité de cette information ou rumeur ». N'empêche que « l'Etat devra dire la vérité et se prononcer sur cela », précisera-t-il, rappelant que « l'Algérie avait ratifié 72 pactes internationaux sur le respect des droits de l'homme ».