Abeghaoune ! Ce petit village situé sur la RN 7AA entre Ghazaouet et Souahlia garde encore les séquelles de l'atrocité perpétrée par les forces coloniales contre les villageois. Le fameux centre de torture d'Abeghaoune en est un témoignage éloquent. Cette année et dans le cadre du 50ème anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, un groupe de jeunes du village en collaboration avec l'APC de Souahlia ont concocté un programme riche et varié pour célébrer l'exil forcé de la population d'Abeghaoune. Un jour du mois de juin 1957, l'armée française, après avoir accompli un carnage puisqu'on ne dénombrait pas moins de 61 personnes exécutées de sang-froid, a accordé aux villageois une heure pour quitter le village. Ces représailles sanglantes, selon les témoins de cette tragédie, sont survenues pour riposter à une embuscade tendue par les maquisards sur la RN 7AA à hauteur du village et qui a fait 14 morts dans les rangs de l'ennemi. La répression, décrit par El Hadja Yamina, un témoin oculaire, était d'une violence extrême. «On nous frappait sauvagement, nous traînait par les cheveux, piétinait nos corps, c'est comme si on était des insectes», raconte El Hadja Yamina avec sa voix tremblotante à peine perceptible. En fait, tous les témoignages s'accordent pour décrire les même scènes d'horreurs vécues ce jour-là. D'ailleurs, les villageois, terrorisés par une telle rétorsion, se sont enfuis, laissant tout derrière eux leurs maisons, leurs terres et leurs animaux, sources de leur subsistance. Ils se sont éparpillés dans les hameaux limitrophes où ils ont trouvé refuge. Les exilés se souviennent encore de cet élan de solidarité qui s'est formé spontanément chez les villageois voisins pour les accueillir chez eux. Abeghaouene est alors pratiquement désert et fut repeuplé par les harkis. L'armée française y installa un poste de commandement sous l'autorité du capitaine Jean Louis Delayen. Ce dernier, comme il l'avait indiqué dans son livre «le baroudeur», forme la première armée des harkis qu'il baptisa «les Yatagans». Cette formation militaire, les Yatagans, était la plus redoutable qui sévit dans la région. Les méthodes de torture employées par cette légion sont inimaginables.