On croyait que le Quartette (Etats-unis, Europe, Russie et ONU) avait tout dit et tout fait au soir du 25 mars dernier quand il avait décidé de soumettre les Palestiniens à un blocus en règle après que ces derniers aient porté au pouvoir le mouvement Hamas. Depuis cette date, en effet, les pressions avaient laissé place à des sanctions financières, privant les Palestiniens de ressources et les contraignant à la famine. Le constat de l'ONU, sans cesse mis à jour, est alarmant. Par ailleurs, ce forum international a été interpellé par l'Egypte au moins sur son calendrier, puisque sa feuille de route, adoptée en grande pompe en 2003, prévoyait la création d'un Etat palestinien en 2005, c'est-à-dire l'année dernière. Rien de tout cela et Israël multiplie les actions unilatérales et cela bien avant les élections de mars dernier. C'est dire que la victoire du Hamas n'était donc que le prétexte, fallacieux bien entendu, dont se servent Israël et ses alliés pour bloquer toute initiative de paix sérieuse. De quoi donc parleront les ministres des Affaires étrangères du Quartette qui se réunissent aujourd'hui à New York ? Il serait question, dit-on, de rapprocher leurs positions face au Hamas et de retrouver un semblant d'unité pour sauver leur plan de paix pour la région. La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, le haut représentant diplomatique de l'UE Javier Solana et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov se réuniront, ce matin, avec le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan. La Commissaire européenne aux Affaires étrangères Benita Ferrero-Waldner et la ministre autrichienne des Affaires étrangères Ursula Plassnik, dont le pays assure la présidence de l'UE, participeront à la réunion, à laquelle sont également attendus les ministres arabes de Jordanie Abdel Ilah Khatib, d'Arabie Saoudite Saoud al Fayçal et d'Egypte Ahmed Aboul Gheït. L'initiative de cette rencontre émane de M. Annan pour donner un nouvel élan à un Quartette toujours paralysé, mais qui n'a retrouvé quelque vigueur que depuis l'accession au pouvoir du Hamas. Ce dernier n'a toujours pas accédé aux demandes de ce forum de reconnaître le droit à l'existence d'Israël et de renoncer à la violence. Washington, Bruxelles et Moscou n'ont jamais paru aussi divisés sur l'attitude à adopter face au Hamas, alors que les retards de paiement des salaires des fonctionnaires palestiniens ont placé les Territoires palestiniens au bord de l'implosion. « Un des sujets principaux du Quartette sera bien évidemment l'aggravation de la crise humanitaire et socio-économique dans les Territoires palestiniens », a souligné, dimanche, le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Kamynine. « Il s'agit de trouver des solutions qui permettent de stopper la dégradation de la situation humanitaire dans les Territoires palestiniens et sauvegarder les institutions palestiniennes créées dans le cadre du processus de paix. » « L'essentiel, c'est que l'aide aux Palestiniens ne s'arrête pas », a-t-il insisté, évoquant les mécanismes possibles d'aide financière via les organisations internationales, notamment l'Onu. En avril, la Russie avait qualifié d'« erreur » la décision de Washington et Bruxelles de couper les vivres aux Palestiniens après la formation d'un gouvernement par le Hamas, considéré par les Etats-Unis et l'UE comme un mouvement terroriste. De son côté, Washington a accueilli fraîchement les récentes propositions des Européens de créer un fonds fiduciaire international qui paierait une partie des fonctionnaires palestiniens. Au plan politique, les Etats-Unis écartent la possibilité d'une reprise immédiate des négociations de paix israélo-palestiniennes, demandée jeudi par le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas. Le président de l'Autorité palestinienne que Washington assure soutenir, tente d'empêcher le nouveau Premier ministre israélien Ehud Olmert de mener à bien son plan de retrait partiel en Cisjordanie et de maintien de blocs de colonies. M. Abbas craint que ce plan n'aboutisse à une fixation unilatérale des frontières par Israël, conformément au projet de M. Olmert, attendu fin mai à Washington. Pour certains experts, les Américains devront accepter le Hamas tel qu'il est s'ils veulent l'application de la « feuille de route ». « Il est clair que si on veut vraiment mettre un terme à la violence, obtenir un accord de paix et placer les parties sur la voie de la paix, seul le Hamas le permettra », estime Henri Siegman, spécialiste du Proche-Orient au Council of Foreign Relations. C'est là un point de vue d'une trop grande simplicité, car la notion même de négociation n'existe plus depuis le jour où Israël a décrété la mort du processus d'Oslo, soit en 2002. A l'époque, le Quartette n'existait pas. Mais il n'a pas réussi à être le substitut au processus en question. Il a fait pencher la balance d'un seul côté.