Le grand flou qui entourait la vini-viticulture s'est quelque peu dissipé dans le sillage de la visite de Saïd Barkat à Témouchent, la principale wilaya viticole du pays (50% de la production nationale de vin). Très attendu sur la cruciale question des prix et surtout des débouchés pour le raisin de cuve, le ministre a clairement signifié qu'il appartient aux forces du marché de les réguler. De même, concernant la question du déséquilibre de l'encépagement, déséquilibre qui hypothèque les chances de la production vinicole à l'exportation, il indiquera que, pour sa part, l'Etat a affiné le soutien qu'il consent sur la base d'un cadastre viticole qui permet la reconstitution des terroirs connus. De la sorte, c'est aux agriculteurs d'opter pour tel ou tel cépage de façon à ajuster leur production par rapport à la demande des transformateurs, lesquels vinificateurs ne peuvent produire qu'en fonction de la tendance imprimée par le marché international. Cependant, pour d'aucuns, si cette approche est théoriquement la plus rationnelle qui soit, elle risque de produire des effets dévastateurs sachant qu'ils sont rarissimes. Les agriculteurs capables de s'insérer dans les méandres de la mondialisation du fait de l'extrême faiblesse en matière de management étant donné que la majorité des fellahs sont d'une récente extraction du statut d'ouvrier agricole. Cela est d'autant problématique que les signaux délivrés par les transformateurs n'incitent l'agriculteur à agir dans aucune direction. Par ailleurs, face aux transformateurs, il n'existe pas une corporation organisée des viticulteurs qui puisse, pour l'heure, s'imposer en interlocuteur et des pouvoirs publics et des transformateurs. A cet égard, si l'ONCV, plus inséré dans le marché international et disposant d'une place prédominante dans le secteur, a mis en œuvre une stratégie arrêtée depuis plus d'une décennie, les nouveaux transformateurs, eux, plus soucieux de lui arracher des parts de marché, sont encore inscrits dans le court terme. Par ailleurs, d'autres investisseurs vont commencer à vinifier l'année prochaine, et considérant les stratégies antagoniques qui se mettent en place du fait de la concurrence, l'actuelle période d'instabilité risque de se prolonger, compliquant la visibilité des tendances lourdes à l'avenir. Interrogé à ce propos, et en particulier sur l'éventualité de mettre en place des mécanismes d'orientation adaptés à la spécificité de l'agriculture algérienne, le ministre estime qu'il n'y a d'autre solution que de laisser les choses prendre leur place. Cette logique que les autorités locales de la wilaya de Témouchent semblent avoir intégrée, leur a imposé, selon l'expression du wali, « de marquer une pause » dans la reconstitution du vignoble de cuve. En ce sens, il a été demandé au ministre d'introduire par le biais du FNDRA un soutien au greffage au profit de la vigne de table. En fait, cette attitude traduit les craintes des autorités locales face aux incertitudes du lendemain, ce qui les a incitées à se dégager de la responsabilité dans l'engagement du secteur dans une voie minée par des aléas de toutes sortes. Aussi, souhaitent-elles réorienter l'intérêt des agriculteurs vers une moins problématique plantation de raisin de table. Mais, de la sorte, c'est environ le tiers du potentiel national en vigne de cuve qui disparaîtrait si les agriculteurs suivent cette nouvelle inclinaison, un potentiel qui devait précisément rééquilibrer l'encépagement et fournir en conséquence les variétés de cépages qui font actuellement le plus cruellement défaut à la viniviticulture en vue d'imposer ses vins à l'exportation. Saïd Barkat a pris bonne note de la demande du wali. S'oriente-t-on vers une stratégie plus raisonnée en termes de développement viticole, ou plutôt plus prudente, d'autant que la question de la nécessaire réhabilitation de l'outil de transformation demeure pendante ? A ce propos, le ministre a eu cette réponse significative : « Je ne gère pas les cimetières ! Les caves vinicoles c'est du domaine de la transformation, cela concerne l'agro-industrie. C'est aux investisseurs de se manifester. Mon problème à moi, c'est d'encourager l'abondance de la production agricole. » Signalons enfin que dans l'entourage du ministre nous avons appris que les dispositions de l'ancien code vitivinicole vont être réhabilitées de façon à réinstaller les garde-fous devant préserver la qualité des labels et prémunir le secteur d'éventuelles dérives. En effet, réagissant à l'état de fait constaté dans une EAC de 36 ha où n'active qu'un de ses trois membres, en l'occurrence une jeune femme, il a fait état de l'imminence d'un texte qui permettra de déchoir de leurs droits tous les attributaires défaillants. Il a également indiqué que les crédits de campagne suspendus cette année vont reprendre, expliquant qu'il s'agissait d'une situation transitoire imposée par la consommation des crédits alloués à l'agriculture dans le chapitre investissement. Néanmoins, M. Barkat signalera que si le soutien à l'investissement demeure relativement à l'équipement, à l'avenir c'est la formule achat en leasing qui sera privilégiée.