Le 7e et dernier roman de Bouziane Ben Achour est une exquise lettre d'amour. Elle bat la chamade sur 140 pages, réussissant le tour de force de ne jamais verser dans la redite ou la sensiblerie. L'écriture de BBA, toujours aussi élégante, relate non pas une histoire à l'eau de rose mais, comme à son habitude, une histoire humaine inscrite dans le temps présent, une histoire où le contexte historique, social, politique et économique ne constitue pas sa toile de fond mais est un élément dynamique au cœur d'une tragédie humaine. Son intrigue, partant du postulat que l'amour est aveugle, lui a fait choisir un très atypique Kaïs : Il est aveugle, lecteur du Coran, gagnant sa vie à psalmodier à la demande des versets sur les tombes, celles d'un cimetière musulman voisinant une nécropole chrétienne. Le hasard de la fiction fait que sa rencontre avec sa Leïla se passe sur un tombeau chrétien. Trompé par ses sens, il s'y était dirigé et s'était mis à psalmodier. L'étrangeté de la situation ajouta au trouble de la chrétienne venue par delà la Méditerranée en pèlerinage sur la tombe de son grand-père. Mue par une singulière inclinaison, elle demande au hazab de réciter quelques versets sur la tombe de son aïeul. Une idylle se noue, ce qui va élever l'aveugle à sa dignité d'être humain. Mais son amour repart en son pays. Le récitant décide de le rejoindre en se faisant harrag. Mais c'est dans un centre de rétention qu'il atterrit, un centre nommé Lampé Douta, BBA jouant de l'homophonie pour élargir sa fable à tous les Lampedusa européens. C'est d'ailleurs en ce lieu que l'écrit épistolaire débute et l'histoire avec. Conditions infra-humaines De la sorte, l'auteur justifie son recours, une nouvelle fois, à un narrateur, un personnage central dans tous ses romans. En s'épanchant, le narrateur en vient son quotidien à Lampé Douta ; Le lyrisme n'est plus alors de mise. Ce faisant, est rapporté comme de l'intérieur un des plus poignants drames de notre époque, celui des clandestins et des conditions infra-humaines qui leur sont faites en centre de rétention. Et dans le cours de l'âpre récit, parmi « les gens du gué » qu'il a pour compagnons d'infortune, l'épistolier dresse le portraits de plusieurs d'entre eux. BBA qui possède l'art de les croquer succulemment, leur attribue comme à son habitude d'insolites noms. Pêle-mêle, il y a l'instituteur Jrada (sauterelle), Hanini En Hanik (fiche-moi la paix, j'en ferai autant), le cuisinier Fodil Tenjra (marmite) et bien d'autres. Mais, curieusement ses deux principaux personnages n'ont en pas. En fait cela ne parait pas si aussi bizarre que cela à la fin lorsqu'on arrive à la dernière page de « Bientôt finira la peine ». Une œuvre, bien sûr à lire même s'il est dommage que son lectorat potentiel en Algérie ne puisse facilement l'acquérir. Elle a été publiée en France chez Publibook.