La proposition de gel des travaux de l'ANC a été annoncée par Mustapha Ben Jaâfar le 6 août à 19h, quelques heures après sa rencontre avec le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi. L'opposition a maintenu le cap sur la dissolution du gouvernement. La mobilisation ne s'essouffle pas. Elle est même parvenue à déjouer la manœuvre d'Ennahdha de détourner l'attention de la rue vers la lutte contre le terrorisme. Tunis De notre correspondant
Le gel des activités de l'Assemblée nationale constituante (ANC) le 6 août, par Mustapha Ben Jaâfar, a été décidé alors que la pression de la rue ne cesse de s'accentuer pour la dissolution du gouvernement. Quatre jours après, le dialogue promis n'a toujours pas été entamé. L'opposition et les organisations nationales ne semblent pas enthousiasmées par cette proposition, dont le scénario n'a pas été encore rédigé. La proposition de gel des travaux de l'ANC a été annoncée par Mustapha Ben Jaâfar le 6 août à 19h, quelques heures après sa rencontre avec le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi.
Le soir même, le bureau exécutif d'Ennahdha s'est réuni pendant plus de quatre heures et a publié un premier communiqué, signé par Ghannouchi, où les islamistes «ne se prononcent pas contre cette initiative, rappellent le calendrier proposé par Ali Laârayedh et insistent sur leur attachement à l'organisation provisoire des pouvoirs». Il est donc difficile de séparer l'initiative de Ben Jaâfar de sa rencontre avec Ghannouchi. La réaction d'Ennahdha ne s'est pas limitée à ce communiqué. Le lendemain matin, c'est le bloc des constituants d'Ennahdha qui a publié un deuxième communiqué, où ils «contestent l'absence de concertation préalable à cette initiative».
Le nouveau communiqué, signé par le président du bloc, Sahbi Attigue, dénie le droit à Ben Jaâfar «la latitude de prendre une telle décision», appelle à «la reprise rapide des travaux de l'ANC», mais se dit «prêt à coopérer pour l'intérêt de la Tunisie». Histoire de dire que les islamistes n'ont pas été associés au lancement de cette initiative. C'est ce qu'ils prétendent du moins. Mais, connaissant les rouages de la politique, les observateurs sont unanimes à prendre ces discours pour un double langage. Par ailleurs, personne ne mise gros sur l'initiative de Ben Jaâfar, et ce, dans les deux clans.
Le ministre de l'Agriculture et dirigeant d'Ennahdha, Mohamed Ben Salem, a prédit à cette initiative le même échec que celle de Hamadi Jebali, qui a appelé à un gouvernement de technocrates au soir de l'assassinat de Chokri Belaïd. Laquelle tentative a fini par la démission de Jebali. Même doute du côté de l'opposition. Le constituant porte-parole du sit-in du Bardo, Samir Taïeb, pense que «c'est un autre scénario de diversion, dans l'esprit de celui de Jebali, le 6 février dernier, histoire de nous occuper inutilement». «Ils veulent nous ramener encore une fois à un dialogue voué d'avance à l'échec, car Ennahdha ne va pas concéder de concession et reprendra ensuite les rênes, à la faveur de sa majorité à l'ANC, comme si rien n'était», explique-t-il. Pour lui, il n'y a de solution que «la dissolution du gouvernement et la nomination d'une personnalité indépendante pour former un gouvernement de technocrates». Après, «nous verrons comment finaliser le processus», poursuit le porte-parole d'Al Massar.