Mhand Kacemi, un grand républicain, nous a quittés mardi dernier après avoir lutté courageusement contre sa lourde maladie, la lignite gastrique, ou cancer du pylore de l'estomac. Natif de la ville de Toudja, à Béjaïa, énarque de formation, âgé de 60 ans, ancien directeur de la réglementation et de l'administration générale (DRAG) d'Alger, Mhand Kacemi, ce poète doublé d'un historien occasionnel, avait secoué ses proches et amis, par une lettre prémonitoire qu'il leur a adressée après avoir, disait-il, reçu comme «un couperet» la nouvelle du mal qui lui a fait perdre 16 kg en trois mois. C'était jeudi 9 juillet, deuxième jour du Ramadhan. Tout en remerciant les équipes médicales des Orangers et de Bab El Oued et du Pôle sites fixes à Paris (France) qui l'ont aidé à dépister sa maladie, ses amis et proches qui l'ont assisté ainsi que ses anciens camarades de promotion et ex-collègues (devenus pour la majorité ministres ou hauts fonctionnaires de l'Etat), qui lui ont assuré leur disponibilité à tout faire pour lui «arracher» une prise en charge à l'étranger, Mhand avait lancé un appel des plus émouvants. Il expliquait que «dans le cas où cette hypothétique et précieuse prise en charge risque, pour les raisons que vous connaissez tous, d'arriver une fois de plus en retard ! Il me fallait échafauder un plan B, alternatif, au cas où (…). Je lance à partir d'aujourd'hui un appel à la solidarité aux parents, aux proches et aux amis, pour une souscription financière destinée à me permettre de réaliser dans les meilleures conditions (…) la gastrectomie totale ou partielle (…) incontournable dans ce cas d'affection, ainsi que les protocoles chimiothérapiques de dernière génération adaptés». En fait, Mhand savait que sa maladie ne pardonne pas. «A défaut de rajouter des années au pronostic vital particulièrement mauvais, votre chaleureuse solidarité me permettra d'envisager un processus de fin de vie nourri de bout en bout par la solidarité humaine agissante à laquelle j'ai consacré les plus beaux défis et challenges de ma vie, à l'évidence et au demeurant si bien remplie jusque-là», avait-il écrit, tout en promettant de rembourser jusqu'au dernier sou, dans le cas où une prise en charge lui serait accordée. «Le produit de vos généreuses contributions vous sera remboursé au centime près (…) Je compte sur vous ainsi que sur les autres "nœuds "de solidarité que chacune et chacun d'entre vous pourra structurer autour de lui. Dieu vous le rendra.» Le message a été tellement fort qu'un large mouvement de solidarité s'est constitué. «Je me sens très bien. Je suis heureux de voir qu'autour de moi beaucoup de gens m'ont apporté leur soutien. Ma famille et mes amis m'ont fait oublier ma maladie», m'avait-il déclaré, au bout de la troisième semaine du Ramadhan, alors qu'il attendait la réponse de la Sécurité sociale pour son voyage en France. Il s'y rendra avec la promesse «de revenir pour réunir tous les amis d'antan autour d'un dîner». Mais comme il l'avait si bien dit, il n'a pas pu «ajouter des années à sa vie». Une vie écourtée subitement par la maladie, en dépit des soins reçus en France. Mhand, le républicain, le défenseur de la mémoire des victimes du terrorisme et surtout l'amoureux de sa ville natale, Toudja, et d'Alger Beni Mezghena, est parti sans dire au revoir. Il était souvent sollicité par les médias pour ses connaissances approfondies sur les modes, l'organisation et les résultats des scrutins et usait d'un ton assez critique en dépit des réactions souvent brutales de certains cercles décisionnels ayant été à l'origine de son départ anticipé de l'administration à l'époque du gouvernorat d'Alger. Le combat qu'il a mené contre l'intégrisme, l'extrémisme, la médiocrité, la misogynie, et l'oppression, a fait de lui un républicain exceptionnel. Un combat, qui sous d'autres cieux, aurait mérité une stèle en hommage.