Nous allons, dans le cadre de cet article, présenter l'évolution du système bancaire et financier depuis l'indépendance à nos jours. En d'autres termes, il s'agit d'une tentative de vision rétrospective sur le système bancaire et financier algérien (de 1962 à nos jours). La finance étant en liaison directe avec l'économie réelle, l'évolution de celle-ci peut être scindée en deux grandes parties : - La voie socialiste. - La transition vers l'économie de marché. Il s'agira donc d'étudier l'évolution du système bancaire et financier, à l'image des chargements observés au sein de l'économie réelle. Une fois l'indépendance acquise en 1962, l'option socialiste a été retenue et à maintes reprises réaffirmée. L'indépendance fut marquée par le départ massif des colons et leurs biens déclarés vacants. Ce fut la période de l'autogestion dans tous les secteurs d'activité. Les banques étrangères encore présentes, étaient réticentes et refusaient le financement des entreprises. Ainsi la Banque centrale d'Algérie (première institution créée), clef de voûte du système bancaire et «banque des banques», était obligée d'intervenir directement et s'est chargée ainsi de financer directement le secteur agricole autogéré, qui en souffrait le plus. Il s'agissait alors d'une entorse à l'orthodoxie bancaire. En effet, une Banque centrale n'intervient jamais directement dans le financement des entreprises. La Banque centrale d'Algérie fut créée par la loi n° 62-144 , qui fut votée par l'Assemblée constituante le 13 décembre 1962, elle avait pour mission de «maintenir dans le domaine de la monnaie, de crédit et des changes, les conditions les plus favorables au développement ordonné de l'économie». Le dinar algérien a été créé le 1er avril 1964. Par la suite, L'Etat algérien avait été dans l'obligation de créer des institutions financières, car la Banque centrale ne pouvait pas assurer directement les financements. Ainsi, plusieurs institutions financières furent créées, à savoir : - La Banque nationale d'Algérie (BNA) créée le 13 juin1966, spécialisée dans le financement du secteur agricole. - Le Crédit populaire d'Algérie (CPA), créé le 9 décembre1966, spécialisée dans le financement de l'artisanat. - La Banque extérieure d'Algérie (BEA) créée le 1er octobre 1967, spécialisée dans les opérations de commerce extérieur. - La Banque de l'agriculture et du développement rural (BADR) créée le 16 mars 1982, est en réalité issue de la BNA. En effet la BNA, qui était principalement chargée de financer le secteur agricole, fut déchargée de cette mission au profit de la BADR. - La Banque de développement local, (BDL), créée le 30 avril1983, était chargée de financer les entreprise locales. On peut citer également la création de la Banque algérienne de développement (BAD) en mai 1972, dont les missions étaient celles la Caisse algérienne de développement (créée le 7 avril 1963). Cette banque de développement ressemble à une banque d'affaires chargée «de collecter l'épargne à moyen et long termes, en vue de concourir au financement des objectifs de développement économique de l'Algérie et de prendre des participations dans les affaires existantes ou en formation». En réalité, la BAD n' a pas été en mesure de mobiliser l'épargne, ce fut le Trésor public le bailleur de fonds, par le biais de dotations en capitaux et des ressources de financement pour le compte de L'Etat. Il y a lieu aussi de noter la création de la Caisse nationale d'épargne et de prévoyance (CNEP) le 10 août 1964, qui, par la suite, se spécialise dans le financement de l'habitât (arrêté du ministère des Finances du 19 février 1971). Jusqu'en 1986, le système bancaire était fortement encadré à maints égards à savoir : - Les prêts extérieurs. - Les paiements à l'extérieur. - L'affectation des ressources. Cette période coïncide précisément avec la période de la planification centralisée et impérative. L'octroi du crédit obéissait à des procédures administratives, où le critère de rentabilité financière était exclu. Les banques n'avaient aucun pouvoir d'appréciation, ni de décision sur la mise en place des crédits, que ce soit ceux relatifs à l'exploitation ou à l'investissement. Les banques jouaient un rôle purement administratif, elles étaient simplement chargées du suivi administratif des différentes opérations, elles agissaient comme un «caissier» qui devait fournir aux entreprises les liquidités nécessaires à leur fonctionnement. Quant au Trésor public, il agissait de deux manières. D'abord, il octroyait des concours temporaires aux entreprises en vue de les équiper et les moderniser. Ensuite, il intervenait sur des concours définitifs pour assurer le financement des investissements non directement productifs (infrastructures, santé, etc. ). Le Trésor était à chaque fois contraint de faire appel à la Banque centrale. Cette situation a engendré un processus de création monétaire, à cet effet le taux de croissance de la masse monétaire, entre 1967 et 1977, a été de 630% alors que le taux de croissance de la production globale physique a été de 96%, (source : La Réforme économique en Algérie - M. E. Benissad). C'est ainsi que surgit le phénomène de l'inflation. Devant cette situation, l'entreprise fut déresponsabilisée, car le système bancaire se substitue à elle, à chaque fois, pour le règlement de ses dettes. Les taux d'intérêt étant bas, l'entreprise ne se privait pas pour consommer les crédits et ne cherchait pas alors à créer les surplus nécessaires à sa pérennité, d'où la déstructuration financière d'un grand nombre d'entreprises. Cette situation va s'exacerber avec la réforme initiée en 1970. En effet, celle-ci avait introduit les nouveautés suivantes : -Il n'est plus permis aux banques commerciales d'octroyer des crédits, à court terme, pour le financement de l'investissement. -L'investissement doit être financé par le crédit bancaire à moyen terme, et des prêts à long terme du Trésor par le biais de la Banque algérienne de développement ou des banques commerciales. - L'investissement peut être financé par des prêts extérieurs (crédits publics, commerciaux et financiers privés) et enfin par les subventions du Trésor. Cette réforme réfute l'autofinancement des entreprises publiques et exprime nettement la centralisation à outrance du pouvoir économique, à cet effet des prélèvements (temporaires ou définitifs ont été prévus.Les entreprises sont dans l'obligation de procéder aux opérations suivantes : - Versement à titre définitif d'une «contribution spéciale au budget», qui, en fait, représente le transfert de l'intégralité des bénéfices nets à l'Etat. - Souscrire à titre non définitif des bons d'équipements, des obligations d'Etat pour un montant représentant les réserves, et les dotations aux amortissements et aux provisions. Par ailleurs, afin de mieux cerner la structure financière des entreprises, le financement de l'investissement doit faire l'objet d'une attribution de la fameuse décision d'individualisation, octroyée par l'organisme chargé de la planification et, par la suite, le ministère des Finances établit une décision de financement. Quant au crédit d'exploitation (à court terme), il s'est bureaucratisé de plus en plus, alors qu'en matière de forme de crédit, il en existe traditionnellement plusieurs et chacune répond à un besoin précis de financement, alors que les banques algériennes usaient et abusaient du découvert, malgré le décret du 15 juin 1970 qui exige de l'entreprise la présentation d'un plan de financement, qui exprime les besoins de crédit. Celui-ci est certes présenté à la banque, mais il demeurait une formalité, car le crédit d'exploitation est accordé d'une manière automatique. Ce type de financement a engendré, en fait, une mauvaise allocation des ressources, un excès de liquidité et c'était à la Banque centrale de supporter le poids des crédits des banques commerciales, ainsi que le Trésor, par le biais de la création monétaire. Enfin cette situation fut à l'origine d'un endettement extérieur important. Suite aux difficultés qu'a connu l'économie algérienne depuis 1986 et la chute des cours de pétrole, l'Algérie s'engagea dans un processus de réformes économiques et à cet effet un dispositif législatif a été mis en place. Il s'agit de trois lois : la loi 86-12 du 19 août1986 relative au régime des banques et de crédit ; la loi 88-06 du 12 janvier 1988 relative à l'autonomie des entreprises ; la loi 90-04 de 14 avril 1990 relative à la monnaie et au crédit. La première loi (n° 86 -12 de 19/08/86) limite les engagements de la Banque d'Algérie. En effet, ceux-ci sont fixés dans le cadre du Plan national de crédit, ce qui signifie que les crédits accordés, par les banques commerciales, sont fixés préalablement par le Plan national de crédit (article 26 de la loi 86-12), ce qui indique clairement que l'autorité de plan demeure encore prépondérante dans la gestion de l'économie. Cette même loi accorde des prérogatives plus larges à la Banque centrale, une certaine autonomie vis-à-vis du Trésor public. Elle réaffirme les missions classiques dont doit être dotée la Banque centrale (privilège de l'émission de billets de banque et pièces métalliques, régulation et contrôle de crédit par le biais du Plan national de crédit, contrôle des changes). Une nouveauté fut introduite à cet effet : les banques commerciales peuvent accorder des prêts à long terme, cette mission relevait du Trésor public qui allouait ce type de crédit par le biais de la BAD. Par ailleurs, cette loi insiste sur le fait que les banques doivent limiter le risque de non- remboursement du crédit (article 11 de la loi 86 -12) Quant à la loi 88-06 de 12 janvier 1988, elle introduit la notion de commercialité. Ainsi, selon l'article 2 de cette loi, «les établissements de crédit sont des entreprises publiques économiques». Ce nouveau dispositif législatif ne fut pas mis en œuvre car l'article 66 de la loi 86-12 conditionne sa mise en place par la «publication des statuts de la Banque centrale et des établissements de crédit». Les statuts n'ont pas été élaborés en temps voulu en raison de certaines lenteurs et de certaines contradictions dans la mise en place des réformes économiques engagées. Par ailleurs, la loi 86-12 étant incompatible avec le contexte socioéconomique de l'époque, elle fut abrogée en avril 1990 par la loi 90-10. La loi 90-10 intervient alors que l'économie fait face à de grandes difficultés, à savoir une situation inflationniste ainsi que des déséquilibres externes. Cette loi tente de corriger les deux précédentes. Le dispositif prévoit une nouvelle organisation du système financier en accordant une autonomie à la Banque centrale (désormais dénommée Banque d'Algérie) vis-à-vis du pouvoir central. Elle clarifie les domaines d'intervention de chaque institution financière, ainsi que le Trésor public plafonne le crédit à octroyer à cet organisme, libère les mouvements de capitaux, rend le dinar flexible, prévoit une structure chargée de contrôle des banques et des établissements financiers (commission bancaire), prévoit l'ouverture du secteur bancaire à des institutions privée et, enfin, met en place les règles prudentielles que doit obligatoirement respecter chaque banque. Par ailleurs, les banques et établissements financiers sont autorisés à exercer d'autres activités, comme l'ingénierie financière, le leasing, ainsi que la prise de participation dans les entreprises. Cette fameuse loi est intervenue dans un climat de réformes économiques marquant le passage à l'économie de marché (loi sur la concurrence, loi portant dissolution des domaines socialistes et création des exploitations agricoles, décret portant création de la Bourse d'Alger, etc.) Ce qu'il ya lieu de noter, c'est que cette loi a été à l'origine de la création de banques privées (Khalifa Bank, BCIA, Compagnie algérienne bancaire, etc.), et de l'installation de filiales de banques étrangères. Cependant, il ya lieu de souligner que les banques privées algériennes n'ont pas fait long feu pour des raisons liées à la mauvaise gestion. Pour certaines d'entre elles en raison de leur mauvaise organisation, non tenue d'assemblées des actionnaires, ainsi que les réunions périodiques des conseils d'administration, etc. En outre, certaines ont pratiqué des taux d'intérêt plus élevés que les banques de la place ; pour d'autres, on a relevé des irrégularités dans le traitement des dossiers relatifs au commerce extérieur et, pour quelques unes, on a relevé la manipulation de certains postes de bilan. Bref, leur situation a abouti à l'insolvabilité et à leur liquidation. Quant aux banques privées étrangères, elles préfèrent surtout le financement des opérations du commerce extérieur, tandis que les banques publiques, malgré l'assainissement de leur portefeuille et leur recapitalisation ainsi que les liquidités importantes, ne s'engageaient que faiblement dans le financement de l'économie et ne prenaient pas beaucoup de risques. La fameuse loi 90-10 du 14 avril 1990 a été modifiée par l'ordonnance n° 03-11 du 26 août 2003. Quant à la Bourse d'Alger, elle n'attirait pas les entreprises et les investisseurs. Sa capitalisation reste modeste ainsi que le volume des transactions. De manière générale, il y a lieu de conclure que le système bancaire et financier doit être dynamisé pour soutenir l'effort de croissance et faciliter le passage à l'économie de marché.