Programmé pour hier, le procès des auteurs présumés de l'attaque meurtrière menée, il y a cinq ans, contre une quarantaine de femmes à El Haïcha, Hassi Messouad, par une horde de jeunes chauffés à blanc par un prêche haineux de l'imam de leur quartier, a été reporté par le tribunal criminel de Biskra à la prochaine session à la demande des cinq victimes qui étaient présentes. Ces dernières n'ayant pas reçu de convocation et donc non préparées à se défendre.De ce fait, elles ont demandé à travers l'avocat constitué par la Ligue algérienne des droits de l'homme, de Boujemaâ Ghechir, le report afin de se préparer à confondre leurs bourreaux et de prendre attache avec les autres victimes (elles sont 39) pour être présentes à l'audience. Celle-ci a été programmée durant cette session, après que l'un des accusés condamné, par contumace à 20 ans de réclusion criminelle, s'est constitué prisonnier, il y a un mois. Les témoins cités par le tribunal ne sont pas également présents, à part les deux qui sont en détention depuis leur condamnation à des peines de prison lors du dernier procès. La demande de mise en liberté provisoire, introduite par la défense du détenu, rejetée par le parquet, a été finalement acceptée. Près de cinq ans déjà depuis ce tragique été 2001, et les victimes, celles qui ont eu le courage d'affronter leurs bourreaux et de les confondre devant le tribunal criminel, sont toujours là à attendre le sempiternel droit à une justice. Ballottées d'une administration à une autre, d'une association à une autre, d'un responsable à un autre, elles n'ont au bout du compte pas réussi à arracher leurs droits. En dépit de la solidarité exprimée de plusieurs associations, qui continuent à les assister lors des procès, elles ont déclaré, hier, être « lasses et fatiguées du regard de la société, des pressions subies, des menaces dont elles font l'objet et de la psychose dans laquelle elles vivent depuis 5 ans ». Elles ont clairement expliqué que malgré ce désespoir, elles restent décidées à ne pas pardonner à leurs bourreaux, mais également à l'Etat qui ne les a pas protégées. Ironie du sort, le procès de leur affaire a été programmé juste après celui des auteurs du viol d'une jeune universitaire. Accompagnée de son père, cette victime avait le regard terrifié et s'est mise dans un coin sur le banc de la salle d'audience comme pour fuir le regard des présents, mais surtout de son père, un sexagénaire, qui pourtant semblait lui vouer une grande affection. Cette jeune femme était à la cité universitaire en cette journée du Ramadhan 2005. Elle est sortie pour téléphoner à ses parents, lorsqu'un jeune homme l'a prise brutalement par le bras pour la mettre sur sa moto et l'isoler dans un coin à quelques centaines de mètres plus loin pour abuser d'elle. Sous l'effet des barbituriques, il n'a pu satisfaire son plaisir bestial. Les cris stridents de la victime ont attiré un autre jeune homme, qui, du sauveteur, s'est transformé lui aussi en violeur. L'universitaire, traumatisée et bouleversée par ce qui lui est arrivé, est rentré chez elle, et a raconté à ses parents ce qui lui est arrivé. Quelques semaines plus tard, les deux auteurs sont arrêtés et reconnus par la victime. Le ministère public a requis deux peines, l'une de 10ans et l'autre de 20. Finalement, le tribunal criminel les a condamnés à 10 et 6 ans de prison. La victime n'a pas semblé satisfaite de cette sentence. Pour elle, ce qu'elle a enduré et que le tribunal a qualifié d'attentat à la pudeur avec violence, au lieu de viol tout court avec ce que cela suppose comme souffrance, est un véritable cauchemar qui a laissé des traces indélébiles non seulement sur le plan psychologique, mais également moral pour elle et toute sa famille. Tout comme l'attaque menée par la horde de jeunes à El Haïcha contre les 39 femmes, un certain mois de juillet 2001 et dont la plupart des auteurs, déclarés par la justice en fuite, vivent tout bonnement chez eux en toute tranquillité. Une grave injustice, que la justice n'a à ce jour par réparée. Si les victimes d'El Haïcha ont réussi à porter leur douleur en dehors des frontières, l'universitaire n'a d'autre sort que celui de subir les affres du lourd regard de la société sur elle.