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«Les anciens pétroliers algériens ont manqué de décence et de respect à un peuple»
Pr Messaoud Abda, expert international en criminalité financière
Publié dans El Watan le 16 - 09 - 2013

Professeur en finance, maître de conférences, Directeur de Programme de criminalité économique à l'Université de Montréal (Canada), Messaoud Abda est l'un des universitaires les plus actifs pour initier le grand public aux questions de la criminalité financière internationale organisée. Former et informer sur les dangers de cette dernière est également ce qu'il a fait pendant des années à la Faculté d'Administration de l'Université de Sherbrooke. Pour cet expert international, la grande délinquance financière a besoin d'un diagnostic sans concession pour ne pas se tromper de traitement. C'est donc en fin connaisseur des rouages du monde souterrain de la finance internationale, mondialement reconnu, puis en tant qu'algérien, indigné voire révolté par le manque de décence et de respect avéré à l'égard de tout un peuple, dont ont fait preuve les anciens pétroliers de Sonatrach, Chakib Khelil à leur tête, qu'il se livre ici à un vaste tour d'horizon sur le plus grand scandale politico-économique qu'ait eu à connaître l'Algérie.
- Une première dans les annales de la justice algérienne : un mandat d'arrêt international vient d'être lancé à l'encontre de Chakib Khelil, l'ancien ministre de l'Energie et homme fort du pouvoir. Quelle lecture faites-vous de cette décision ? A quoi répond-elle au juste ?

Il y a toujours un seuil au-delà duquel aucun pays ne peut plus ignorer des faits criminels contre la nation, et ce quelle que soit la force des personnes en place. De plus, dans ce cas, il semble qu'on ait oublié qu'on n'est plus tout seul, la globalisation n'est plus juste économique, elle est sécuritaire et judiciaire également. La crainte que par contagion nos pratiques pourraient déstabiliser des équilibres économiques voisins, comme l'Europe par exemple, est un élément-clé de l'équation. On peut, peut-être, tolérer des agissements répréhensibles localement, mais on ne peut définitivement ignorer nos partenaires de façon systématique sur des principes d'intégrité et de probité de l'Etat algérien. Un exemple rapide est le cas des Etats-Unis qui s'impliquent au Mexique pour protéger leurs frontières économiques.

- Chakib Khelil avait réfuté tous les griefs retenus contre lui, s'estimant victime d'un «règlement de comptes» entre clans politiques rivaux et de luttes d'influence au sommet de l'Etat. Qu'en pensez-vous?
Cela ressemble au réflexe 101 de la psychologie des criminels en col blanc, le déni total est la première réaction. Le criminel en col blanc ne se voit jamais comme un criminel, et c'est ce qui le rend invisible puisqu'il n'a pas le comportement d'un individu qui a commis une infraction. Par la rationalisation psychologique de son crime, il se construit une réalité qui légitime ses crimes à ses yeux, comme par exemple : «Tout le monde le fait, alors moi-aussi». «Je mérite amplement l'argent que je détourne, je suis mal payé par rapport aux autres dirigeants comme moi dans le monde». «Ce que je prends est insignifiant pour les revenus de l'entreprise, ce n'est pas important». «J'ai besoin d'une bonne retraite». «Il faut que j'assure l'avenir de mes enfants». Les criminels en col blanc se perçoivent même comme des victimes dans certains cas, comme ici. Généralement, ce sont des personnes égocentriques, hyper manipulatrices, et à certains égards douées dans la manipulation, ce sont aussi des individus «contrôlants» et totalement insécures. Il y a toujours une théorie du complot et une raison cachée aux accusations qui pèsent contre eux, mais ce n'est jamais la question du droit ou de la justice. Comme Sam Waksal dans l'affaire de Martha Stewart aux Etats-Unis, où il déclarait que le système voulait faire un exemple de lui, rien de plus, en écartant le fait qu'il a commis un délit d'initié assez grave quand même.
Paradoxalement, ce sont des personnes bien organisées qui pensent déjouer le système et mettent même en place une stratégie de sortie en cas de découverte de leur crime, sauf que leur stratégie de fuite ne marche jamais comme ils la planifient, heureusement pour nous.
Dans l'une de vos interventions dans les médias canadiens, vous désigniez Farid Bedjaoui, votre ancien camarade de classe, comme étant le 3e homme-clé après MM. Benaïssa et Khelil, pour faire fonctionner le stratagème de collusion entre Sonatrach et SNC Lavalin.

- Pourriez-vous nous expliquer comment ce stratagème fut construit, puis mis sur rail par le trio ?
En fait, concernant M. Bedjaoui, nous avions fréquenté le même établissement universitaire dans un même cours, dans la même année, mais nous n'étions pas dans le même programme d'études. Pour revenir à votre question, un stratagème de détournement d'actifs et de corruption se construit avec un minimum de 2 individus et un circuit bancaire : le corrupteur, le corrompu et la banque, ceci avec l'hypothèse que le corrompu contrôle le circuit bancaire. Dans le cas présent, le corrompu présumé qui occupait une fonction publique ne peut pas opérer le circuit bancaire à cause de son statut de PPE (Personne publiquement exposée), on le connaît, on l'identifierait rapidement et on le lierait aux transactions financières irrégulières. Donc, le besoin d'un 3e homme de confiance qui doit jouir d'une grande liberté de mouvement, physique et financière, devient essentiel. Un individu ayant un passeport étranger et une ou des résidences établies dans des paradis fiscaux serait le candidat idéal. M. Benaïssa (corrupteur présumé), ex-vice-président de SNC Lavalin ; M. Khelil (corrompu présumé), ex-ministre de l'Energie et tutelle de la Sonatrach ; M. Bedjaoui (prête-nom présumé) pour assumer le rôle du banquier au travers de ses sociétés écrans de gestion de fonds incorporées dans des paradis fiscaux, comme Dubaï. Sans la participation présumée de M. Bedjaoui, l'argent détourné ne pourrait pas circuler de façon confidentielle et libre entre M. Benaïssa et M. Khelil. Je m'explique : supposons le scénario suivant : suite à un contrat obtenu par SNC avec Sonatrach, M. Benaïssa veuille transférer de l'argent à M. Khelil. Une des sociétés écrans de M. Bedjaoui (ex : Ryan Asset Management à Dubai) facturerait une des sociétés écrans de SNC (ex : Duvel Securities aux Îles Vierges Britanniques), contrôlée par Benaïssa, pour des services de gestion fictifs au montant d'une commission demandée par M. Khelil, plus les frais de M. Bedjaoui bien entendu. Par la suite, à la réception des fonds de SNC, la société écran Ryan Asset Management qui détiendrait hypothétiquement un compte d'investissement de M. Khelil ou son prête-nom (enfants ou conjoint), verserait, en toute légalité des gains sur placements substantiels à un compte hypothétique de M. Khelil ou son prête-nom (enfants ou conjoint) dans une banque privée suisse ou française. C'est là toute la nécessité d'un joueur comme l'aurait été hypothétiquement M. Bedjaoui.

- Les juges suisses auraient invité leurs homologues algériens à venir auditionner Riadh Benaïssa, l'ex-vice-président de SNC-Lavalin — en prison à Genève depuis avril 2012 — qui était en fonction au moment de l'octroi des contrats à ce groupe par l'Algérie. Mais les juges algériens n'y auraient pas donné de suite. Cette «curieuse» attitude de nos magistrats, au cas où elle serait effective, comment doit-on l'interpréter ?

Vous abordez ici la problématique épineuse de la collaboration juridique internationale (MLAT, Mutual Legal Assistance Treaty) qui est contrainte par le manque d'harmonisation des lois et règlements des pays qui y adhèrent. Dans les stratégies de poursuite ou d'enquête, la magistrature analyse ses options et ses ressources en vue d'un procès et comment gagner le procès. Première hypothèse : les magistrats algériens, alimentés par nos services d'enquêtes et du renseignement, possèdent probablement assez d'informations pour ne pas avoir besoin d'entendre M. Benaïssa. Deuxième hypothèse : le témoin Benaïssa n'est pas un témoin crédible et polluerait le dossier des magistrats, et enfin n'oublions pas qu'il est binational Canadien et Tunisien. Sous quelle nationalité pourrions-nous l'extrader pour le juger par exemple ? Donc, je pense que ce n'est pas par manque de considération à la proposition suisse, mais par égard au point du droit qui n'est pas tout le temps facile à accepter. Par ailleurs, il ne semble pas que M. Benaïssa ait divulgué des informations de grande valeur pour l'enquête, à savoir où est l'argent qui a été détourné. Candidement, peut-être que les suisses et les canadiens ont besoin des algériens pour élucider une partie de l'enquête… Si l'Algérie décide de collaborer avec la Suisse dans ce dossier, il faudrait qu'elle accepte que les suisses rencontrent aussi nos témoins et accusés dans cette affaire. Je ne suis pas sûr que l'Algérie irait dans ce sens. Culturellement, on a toujours été très souverains sur ces points et on a raison, car les implications sont trop importantes.

- Estimez-vous que l'opinion publique algérienne, à ce stade de l'instruction, est informée de tout ce qui se rapporte à ce scandale économique qui s'est progressivement transformé en scandale d'Etat ?

Malheureusement, au regard de la criminalité financière, je ne considère pas que la population soit assez informée dans le moment. Des contraintes sont sous-jacentes à cette situation, parmi celles que vous avez soulevées précédemment dans notre entretien. La première remarque est la crédibilité de notre démarche dans la répression des crimes financiers. La population est désabusée par le manque d'efficacité des actions qui n'ont jamais abouti par le passé, comme l'affaire Khalifa, où le principal instigateur est toujours en liberté. On a conditionné un auditoire incrédule, qui devient convaincu de l'impunité des personnes impliquées dans chaque grande affaire. Maintenant, je suis d'accord pour informer plus, mais mon problème c'est comment informer avec objectivité et rigueur. Si on rajoute l'accès limité à de l'information fiable, on introduit une autre contrainte. Je pense qu'on ne peut pas informer comme on voudrait dans la conjoncture actuelle. Il faudrait qu'on soit en mesure d'informer sans créer de panique inutile et sans nuire aux efforts de répression menés par les services de sécurité et les magistrats. Les criminels en col blanc lisent aussi le journal et un bon reportage de presse peut devenir une bonne stratégie de défense pour les criminels. Le dosage est difficile. L'autre aspect est culturel, est-ce qu'on veut une information de sensation, ou une information de prévention? On devrait tendre vers une critique constructive des scandales pour pousser à des changements dans les pratiques et les mœurs qui viennent de notre société de toute façon. L'objectif de l'information sur le crime économique se veut de dissuader les criminels en les dénonçant à l'opinion publique. Dans tous les pays, la politique et les affaires ne font pas bon ménage. A nous de trouver le bon niveau de tolérance éthiquement acceptable, car il me semble qu'on a totalement perdu le contrôle sur tous les fronts dans l'affaire SNC avec Sonatrach, cela a dépassé tout entendement !

- Selon vous, le système judiciaire et juridictionnel est-il assez fort et suffisamment outillé pour traiter avec efficacité des affaires de la taille de celles où sont mêlés trois colosses : Sonatrach, l'italienne ENI et le canadien SNC-Lavalin ?

Excellente remarque! Ce qu'il faut comprendre, c'est que le crime organisé international est un phénomène puissant actuellement, il est extrêmement bien financé, et se paie une expertise légale et financière de pointe, avec comme bases arrière des sociétés écrans incorporées dans des paradis fiscaux, hors de toute juridiction, comme les Iles Vierges, les Iles Cayman, Dubaï ou les Bahamas. Le crime organisé évolue rapidement, ce qui ne laisse pas le temps aux organismes de la lutte contre le crime économique de s'adapter. La majorité des pays qui ont fait face à des crimes économiques majeurs ont appris à les traiter en les enquêtant ; ils ont donc développé les compétences par la pratique en premier lieu. Par la suite, les enseignements tirés de chaque crime économique se sont transformés en contenu de formation professionnelle, en de nouvelles lois et règlements et en des structures de lutte contre le crime économique. Par exemple :
Madoff aux Etats-Unis, Norbourget SNC au Québec, Société Générale en France, Barings au Royaume-Uni, etc. Maintenant, il est clair que nos magistrats, même s'ils n'ont pas les outils pour instruire efficacement l'affaire SNC, j'estime que l'occasion est parfaite pour leur permettre de mettre en application leurs connaissances, d'apprendre et d'apporter les changements nécessaires aux lois et structures algériennes pour contrer le crime économique. On peut s'inspirer de ce que font les anglais avec le SFO (Serious fraud office), les canadiens avec l'EIPMF (Equipe intégrée de la police des marchés financiers), mais il est primordial de développer notre propre recette, car la transférabilité des contre-mesures du crime économique, qui est un phénomène social, ne peut pas se faire mécaniquement à cause des spécificités des cultures et des comportements. Donc, la compétence dans le traitement du crime économique se construit en fonction de ce que j'appelle la géographie culturelle de chaque pays, la culture inclue aussi les cultures des institutions et des organisations publiques et privées, ainsi que la volonté réelle de contrer le crime économique. Par contre, c'est dans l'accompagnement du processus d'apprentissage de la lutte contre le crime économique qu'on a effectivement un déficit sérieux. Il faut bien évidemment surveiller les opportunités commerciales que ce créneau peut représenter, puisqu'il y va de l'intégrité de l'Etat et de sa sécurité financière.

- Vous dites aussi qu'il faut savoir rester décent et garder un certain code d'honneur y compris dans le crime. Qu'entendez-vous par là ?

Les anciens pétroliers algériens ont manqué de décence et de respect à un peuple tout entier à mon sens ; la bonté humaine des Algériens et peut-être le respect exagéré des institutions, où penser juger un ministre ou un dirigeant est inconcevable. Ce qui a encouragé les acteurs de crimes financiers à commettre plus de méfaits, puisque l'impunité était instaurée : le pire qu'un dirigeant risquait était de perdre son poste. Anciennement, l'information ne circulait pas et on pouvait à peine savoir qui faisait quoi et pourquoi on a sanctionné une personne ou une autre. De plus, il me semble que les personnes impliquées dans les affaires de corruption actuelle frappent fort dans les pots-de-vin qu'ils réclament, une cupidité sans limite. Il faut instaurer des mécanismes d'imputabilité des dirigeants et responsables en Algérie, et ce, pour le bénéfice de tous, sans tomber dans les chasses aux sorcières et les accusations partisanes.

- La corruption serait, toujours selon vous, étroitement liée à l'inflation des prix, expliquez-nous en quoi consiste ce rapport ?

Absolument, il y a deux logiques à ce constat. Premièrement, le corrupteur est en affaire et pour préserver sa marge commerciale n'absorbe jamais le surcoût de la cote du corrompu, il augmente le prix en conséquence. Ce faisant, les contrats sont systématiquement majorés artificiellement et donc l'inflation augmente sans cesse dans le système économique. Deuxièmement, la hausse du coût de la vie fragilise la population en général et les personnes en autorité plus particulièrement, les personnes en autorité comme tout le monde doivent faire face à leurs dépenses personnelles, et se retrouvent ainsi dans des affaires de corruption et de collusion.

- Quels sont les garde-fous les plus efficaces à mettre en place pour la freiner puisque, comme vous le souligniez, elle ne peut pas être totalement éliminée ?

Les garde-fous de gouvernance que je juge adéquats sont comme suit : augmenter la transparence de la prise de décision par une délégation d'autorité par palier, encadré par des comités indépendants de la direction ; par exemple : aucun dirigeant ne devrait être en mesure d'approuver des transactions ou de prendre des décisions importantes seul : gestion collégiale par comités de 3 personnes minimum : un organisme indépendant d'enquête qui atteste de la probité ou de l'intégrité des opérateurs économiques locaux ou étrangers ainsi que leurs dirigeants pour qu'ils puissent soumissionner à des appels d'offres ; un comité indépendant de révision des octrois de contrats, après adjudication de ces derniers ; conscientiser les cadres et dirigeants aux impacts économiques et légaux de leurs décisions : de la formation continue appliquée pour les cadres et dirigeants sur les normes d'éthique et la bonne gouvernance ; mettre en place un code d'éthique pour les cadres et dirigeants de l'Etat ; créer un poste de commissaire à l'éthique, dont le rôle serait : conseiller de façon confidentielle les cadres et dirigeants sur le respect de la loi et du code d'éthique ; examiner les rapports confidentiels concernant, entre autres, les biens, les dettes et les activités des cadres et dirigeants ; mettre des renseignements pertinents à la disposition du public ; enquêter sur des contraventions potentielles au code d'éthique ; et présenter des rapports aux autorités compétentes.

- Les prolongements de cette affaire risquent-ils de fragiliser davantage notre économie en termes d'Investissements directs étrangers (IDE) surtout ?

Pour le moment, beaucoup de pays, dont l'Algérie, sont aux prises avec des phénomènes frauduleux de corruption, de collusion et de détournements de fonds. Ceci nivelle le critère de la réputation lors des choix des zones d'investissements pour les IDE, l'attrait économique devient le critère principal. L'Algérie jouit, en ce moment, d'un attrait économique extraordinaire, sur fond d'instabilité dans la majorité des pays de la zone MENA (Moyen Orient-Afrique du Nord). Cette situation élimine l'impact de notre réputation sur les activités économiques. Cependant, à moyen terme, on peut raisonnablement anticiper une levée de boucliers de nos partenaires commerciaux quant à nos pratiques d'affaires comme ils l'ont fait dans le cas de SNC et Sonatrach. Ce qui risque de se développer aussi, si ce n'est pas déjà le cas, c'est une hausse importante de nos primes d'assurance sur les activités internationales. Ce qui nous rend économiquement moins compétitifs et alimente l'inflation des prix par la hausse des coûts d'opérations. En terminant, une fois que nos partenaires occidentaux auront achevé leurs ajustements dans la lutte contre le crime économique, ils ne toléreront plus que nous soyons défaillants sur la probité et l'intégrité des agents de l'Etat. Des défaillances, comme l'affaire SNC et Sonatrach, pourraient même nous causer des situations d'ingérence indirecte dans la gestion de notre économie, avec à la clé des tensions inutiles avec nos partenaires commerciaux.


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