Les malades sollicitant les prestations de l'Institut Pasteur ont adressé une lettre ouverte au ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, dans laquelle ils se plaignent de la mauvaise prise en charge induite par les conflits récurrents dans cet établissement. L'Institut Pasteur d'Algérie (IPA) ne semble pas en finir avec les affaires de malversations et de conflits opposant la direction aux travailleurs. Lesquels se plaignent d'une atmosphère délétère et d'un abandon total de l'activité scientifique. Ce qui se répercute directement sur les patients algériens. Ils ont adressé une lettre ouverte au ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière dans laquelle de nombreux problèmes sont soulevés. Certains protestataires se sont rendus à notre rédaction et ont signalé que «la crédibilité de cette prestigieuse institution est mise à une rude épreuve». Le directeur général adjoint est, selon eux, le premier responsable de cette situation «catastrophique». Pénurie de réactifs Si certains affichent leur mécontentement vis-à-vis des responsables dans la gestion administrative et «l'opération de chasse aux anciens cadres», d'autres sont alarmistes quant au devenir de la recherche scientifique et surtout au fonctionnement des services au profit des malades. «Le manque de réactifs depuis plusieurs mois fait que les rendez-vous pour des examens biologiques approfondis effectués uniquement à l'IPA ne sont plus programmés alors qu'un stock de réactifs est arrivé à la péremption. Les patients sont souvent renvoyés ou simplement invités à revenir dans deux mois sans rendez-vous fixe», a-t-on souligné, avant de préciser que «certaines machines de production sont à l'arrêt faute de payement de la maintenance alors que l'on procède à l'achat de véhicules de service et au renouvellement du mobilier de bureau. Il y a une volonté de réduire à néant cette institution, pourtant accréditée par l'OMS pour toute l'Afrique.» Nos interlocuteurs ont signalé, pour preuve, que le nouveau laboratoire de virologie de Sidi Fredj, tout prêt, dont les équipements ont été réceptionnés depuis plus d'une année, est toujours à l'arrêt. «Il en est de même pour le laboratoire de référence pour la lutte contre la tuberculose dont un équipement de dernière génération a été financé par le ministère de la Santé et l'OMS, non encore fonctionnel. Cet équipement permet de faire le diagnostic de la tuberculose en quelques heures au lieu de 40 jours. Plusieurs projets de développement, de recherche scientifique et de formation du personnel technique sont bloqués», relatent-ils. Ils citent l'exemple du programme d'accompagnement de l'Union européenne visant l'accréditation des laboratoires de l'IPA qui est suspendu depuis une année malgré les nombreux rappels de l'UE. Le budget alloué à cette opération est estimé 200 000 euros dont 80 000 ont été versés par l'UE. Comme c'est également le cas de l'arrêt inexpliqué du programme lié aux notions de qualification d'installation technique de l'IPA, financé également par des organismes internationaux. «Ces nouvelles installations permettent donc de conserver les produits biologiques, dont les sérums et vaccins, selon les normes internationales.» La production est quant à elle complètement abandonnée, regrettent-ils. Et de dénoncer les nombreuses décisions de licenciement abusif de travailleurs, dont la majorité ont eu recours à la justice. «Le directeur des approvisionnements a été licencié malgré un rapport de l'audit interne prouvant sa non-implication dans l'affaire du dédouanement d'une marchandise de 45 000 euros et qui a coûté à l'IPA 13 millions de dinars pour magasinage. Certaines affaires en justice ont abouti et les jugements sont en faveur des concernés pour être réhabilités à leurs postes de travail, d'autres sont toujours en cours», ont signalé les travailleurs dans leur lettre. Laquelle sera adressée au nouveau ministre de la Santé puisque son prédécesseur «M. Zairi n'a rien fait malgré les nombreuses inspections effectuées par les inspecteurs du ministère de la Santé l'été dernier», regrettent-ils. Des équipements vétustes Concernant la production, les travailleurs parlent d'un ralentissement de l'activité en raison de la vétusté des équipements qui datent de plusieurs années. «Jusqu'à mai 2013, nous n'avons pu produire que 35 000 doses de 5 ml de sérum antiscorpionique», relève-t-on. Le directeur général adjoint de l'IPA, M. Belamri, réfute toutes ces accusations et signale que toutes les décisions ont été prises en concertation avec le directeur général de l'IPA, le Pr Kezzal, après avoir mis en place une nouvelle organisation. «Un organigramme a été adopté par le conseil d'administration et nous avons décidé de mettre en place les compétences pour assainir la situation. Pour ce qui est des licenciements, je peux répondre au cas par cas sur la base de dossier et de rapport à l'appui», s'est-il défendu. Pour M. Belamri, aucun des travailleurs n'a été lésé : «Pour le cas du directeur de l'approvisionnement, il faut savoir qu'il a fait perdre à l'établissement 16 millions de dinars sur une marchandise stockée à l'aéroport. Il a été licencié pour négligence caractérisée et le rapport du commissaire aux comptes l'atteste. Le rapport de l'audit ne le blanchit pas non plus.» A propos des pénuries de réactifs, le DGA a précisé que le problème sera bientôt réglé. «Nous avons effectivement un manque de réactifs car leur gestion était anarchique et le constat a été fait par l'IGF et la Cour des comptes. Nous avons répertorié tous les équipements qui nécessitent des réactifs et nous sommes sur le point de régler définitivement ce problème», a-t-il souligné, avant de préciser que «le stock en péremption a été réceptionné en dehors du cadre réglementaire. C'est aussi le cas du laboratoire de virologie de Sidi Fredj qui a coûté 25 milliards de centimes à l'Etat et qui ne répond pas aux normes. Un audit a été recommandé par l'IGF et l'expertise a effectivement relevé des anomalies. Les responsables sont poursuivis en justice.» S'agissant de la production, M. Belamri se félicite d'avoir doublé les quantités de sérum antiscorpionnique : «Nous sommes passés de 7000 à 70 000 doses cette année. Nous avons assuré la demande de la direction de la prévention du ministère de la Santé à 100%», a-t-il ajouté. En ce qui concerne les problèmes liés au volet scientifique, à la formation et à la qualification, le directeur adjoint affirme que les dossiers sont en cours de finalisation.