Depuis la chute du président Siad Barre en 1991, la Somalie est en état de guerre civile. Le pays est livré au chaos. Par la force des choses, les islamistes extrémistes, structurés aujourd'hui au sein des shebab, ont fini par prendre la société somalienne en otage. Certes, ils ont subi ces deux dernières années d'importants revers militaires dans le centre et le sud du pays, infligés par l'Amisom, une force de l'Union africaine (UA), et l'armée éthiopienne. Abdirahman Omar Osman, porte-parole de la présidence somalienne, explique néanmoins que cette guerre ne pourra être gagnée sans l'aide de la communauté internationale. Entretien réalisé à Mombasa (Kenya)
-Les médias sont assez alarmistes concernant la situation dans votre pays. Très franchement, où va la Somalie ? Vous pouvez imaginer les dégâts qui peuvent découler de 22 années d'absence totale de structures étatiques. Mais je vous rassure, la situation ne cesse de s'améliorer depuis 5 années, grâce à l'appui de l'Union africaine et de la communauté internationale. Nous étions dans une situation extrêmement difficile au début des années 1990. Eu égard à la complexité du problème auquel nous faisions face, une solution à la crise n'était alors pas évidente à trouver. Il nous a fallu beaucoup d'efforts et de sacrifices pour en arriver à là mise en place d'institutions de transition. Maintenant que nous avons repris notre marche, nous espérons régler progressivement le gros de nos problèmes à brève échéance. Nous espérons redevenir un Etat normal. Un Etat qui aura sa place dans le concert des nations. -Est-ce que les shebab ont toujours les moyens de contrarier vos efforts destinés justement à remettre en état de marche la Somalie ? Comment voyez-vous le règlement de la crise somalienne ? Merci pour votre question. Elle me donne là l'occasion de remercier nos frères africains qui se sont coalisés pour nous aider à lutter contre les shebab et les groupes terroristes qui sévissent en Somalie. Pour la solution à la crise, je vois les choses de la manière suivante : pour moi les shebab se subdivisent en trois catégories. Primo, il y a l'internationale djihadiste, composée d'étrangers, qui veut faire de la Somalie l'une de ses principales bases…, son terrain d'action. Aucune discussion n'est possible avec ces gens-là qui, pour nous, sont des tueurs, des criminels et des mercenaires. Secundo, nous avons des théologiens ou des fanatiques religieux de mon pays qui accueillent ces gens-là ou qui sont de mèche avec eux. A ceux-là nous leur disons de déposer les armes, de changer leur discours extrémiste et de discuter avec nous. Enfin, tertio, il y a la jeunesse dans mon pays. Celle-ci, pour les raisons que vous savez, est complètement embrigadée. Nos jeunes ont subi des lavages de cerveau. Nous essayons de faire en sorte à ce qu'ils s'émancipent comme toutes les autres jeunesses du monde et s'éloignent du pseudo djihad auquel les appellent les groupes terroristes. Notre espoir est que notre jeunesse puisse redevenir amoureuse de sa culture, de sa langue et de son pays…, qu'elle redevienne une jeunesse patriotique et non pas intégriste. Voilà le chantier qui est le nôtre aujourd'hui. -En dehors de la question du terrorisme, quel est aujourd'hui le principal obstacle à une normalisation de la situation en Somalie ? La Somalie a été par le passé un Etat moderne et très dynamique. Probablement l'un des plus dynamiques d'Afrique. Nous étions engagés sur la scène internationale pour l'indépendance des autres Etats africains. La Somalie a fait beaucoup pour les autres. C'est un Etat qui a aussi beaucoup fait pour son peuple. Aujourd'hui, le résultat est là : nous avons énormément régressé. Et le mot est faible. Tout en luttant contre le terrorisme, nous essayons de réparer les blessures subies par le peuple et de restaurer les institutions de l'Etat. Il s'agit aussi pour nous de donner au peuple les moyens de s'éduquer et d'aller de l'avant. Je crois vous comprenez de vous-même où je veux en venir. -Justement, pourrez-vous relever le défi d'organiser des élections générales en 2016 et surtout de vaincre les démons de la division qui font encore tant de mal à la Somalie ? Nous avons beaucoup de défis à relever. Mais si nous donnons la priorité à la sécurité et à la restauration de la paix, le reste viendra forcément. Rien ne peut se faire sans la stabilité. Pour le reste, le président Hassan Sheikh Mohamoud a fait en sorte à ce que les Somaliens et les différentes régions somaliennes puissent s'autogérer. Mais sinon, le chef de l'Etat donne la priorité à la paix. La paix est un préalable à tout. Tout le reste viendra si la paix est restaurée. -Qu'attend la Somalie de la communauté internationale ? Un peuple et un pays qui vivent sans Etat depuis 22 ans ne peuvent pas se relever tous seuls. La communauté internationale doit le savoir. Par conséquent, il faut qu'elle continue à être à nos côtés pour nous aider à nous relever et à remettre en marche notre pays. Une fois cet objectif atteint, la Somalie redeviendra un Etat normal et viable pour tous ses citoyens.