Décidément, le processus euro-méditerranéen serait bien mal en point s'il négligeait le volet humain, on le perdrait de vue tout simplement. Il ne s'agit pas de la question des visas et donc de la circulation des personnes entre les deux rives de la Méditerranée, mais des idées, car quelque part, il faut que le projet soit porté, intégré dans les centres de réflexion et débats avec sang-froid et sérénité. La négligence de 1995, année du lancement du processus à Barcelone, a ouvert la voie à bien plus que de l'incompréhension, de la manipulation. Beaucoup de médias de la rive nord l'ont négligé, estimant qu'il s'agissait d'une nouvelle défense. De fait, il ne suscitait pas le moindre intérêt ou si peu, malgré la déclaration de Barcelone et son triple volet. On est loin de son application stricte et sincère, mais des préjugés se sont intercalés rendant l'opinion dubitative sinon opposée. « On nous pompe notre argent, disait-on alors. Et ceux du Sud pensaient, notamment, la même chose. C'est de l'intégration pour absorption de nos économies. » D'autres, pas plus informés que les premiers, étaient par contre persuadés que c'était là la solution miracle aux économies du Sud. Une totale cacophonie. Entre temps, l'Europe développe d'autres stratégies, et les sociétés sont travaillées par les mouvements extrémistes, commençant à parler de racisme. Entre Européens, avec ce que « le plombier polonais » a fait couler comme encre. Cela rappelle le maçon portugais d'il y a des décennies, la question de l'adhésion de la Turquie toujours improbable avec les nouvelles lois contre la négation et les couacs de la Constitution européenne. Ce qui n'a pas empêché la propagation du racisme à des allures bien inquiétantes. Et l'Union européenne semble avoir pris conscience de ce phénomène pour avoir envisagé les formes d'opposition. Mais en conclusion d'un séminaire de deux jours à Vienne sur la question, que peut la presse ? Elle a même fait face à sa banalisation et elle n'hésite pas à emprunter sans jamais poser la moindre question. C'est l'air du temps. Ainsi du Hamas palestinien considéré comme un mouvement terroriste, ou de la situation prévalant en Algérie durant la décennie écoulée avec le « qui tue qui ? » Et l'on parle au moins que ? d'autorégulation, ce qui reviendrait à parler d'autocensure. Mais par rapport à quoi ? Où se trouve au juste la vérité ? Elle n'existe que quand il s'agit de relever certains excès ou les conséquences les plus néfastes. Comme l'assassinat de cette domestique d'origine africaine par un adolescent déjà embrigadé dans les légions racistes. La forte dérive s'étend en Europe sans que l'on semble s'en rendre compte sérieusement, parce que le discours ambiant dissuade tout questionnement. Le rapporteur spécial de l'ONU sur le racisme met d'ailleurs en garde contre sa banalisation et même son institutionnalisation à travers l'adoption de lois comme celle qui concerne l'immigration. La presse, puisqu'il en est question, pourrait-elle alors aller à l'encontre de ce discours, pas celui qui se revendique comme tel, mais celui plus sournois mais tout aussi ravageur. L'on parlera alors immanquablement de liberté de presse. Mais dans le même temps on n'hésite pas à parler de « crise de l'identité européenne » et l'une des formes d'opposition est cette liberté de choisir, donc de ne pas publier. Car, admet-on, les lois seules ne suffisent pas. Des idées apparaissent comme le fait pour la presse de ces pays d'élargir son champ de recrutement en allant chercher les journalistes dans les différents groupes ethniques qui composent la société. Ou encore, le respect de l'éthique, pourtant chacun le revendique. Et l'Europe que peut-elle ? Là, ce serait trop demander à des médias qui mettent en avant leur liberté éditoriale rarement univoque comme l'ont montré certains faits. Omissions volontaires ? Abordé autrement, cela donnerait un mensonge par omission. La pire des infamies pour un journal quel qu'il soit. Mais le problème n'est-il pas dans les sociétés elles-mêmes avant de mettre en cause la presse ? Il n'est pour cela qu'à étudier le phénomène du racisme et de la xénophobie pour se rendre compte de son ancrage, puisque cela fait trois décennies au moins qu'il se développe et que ses leaders ne sont pas quelques farfelus ou des nostalgiques de l'Allemagne nazie, mais bien une nouvelle élite qui exploite la faiblesse devenue manifeste de la classe politique dite traditionnelle à l'image de l'Autrichien Jorg Haïder et d'autres encore qui exploitent aussi la détresse de franges entières de la population. Le problème est donc profond et la presse veut constituer un rempart à toutes les dérives. Elle défendra ses propres valeurs, la liberté partout.