Titi de Khaled Barkat est un drame social qui tente de donner des visages à la cupidité, au désespoir et à la pureté. Pari difficile. Titi, premier long métrage de Khaled Barkat, projeté hier en avant-première à la salle Ibn Zeydoun à l'Office Riad El Feth à Alger, pourrait être l'histoire d'une enfance déchirée, presque perdue, écrasée, mais ce n'est pas vraiment ou totalement le propos. Le cinéaste a tellement chargé son récit que le film se perd en plusieurs histoires à travers lesquelles les personnages se marchent un peu sur les pieds. Titi (Adem Messili) est un enfant d'une dizaine années. Il vit dans la rue depuis qu'il a fui un méchant père adoptif après avoir perdu la trace de ses parents, le rottweiler Jumbo (Oros) est son seul compagnon. Sa mère, Zakia (Malika Belbay), vit dans la brûlure de la séparation, de l'attente. Douleur accentuée par la mort de sa mère. Inutile de se demander sur l'absence du père, c'est une habitude dans le cinéma algérien. L'époux de Zakia, Khaled (Mustapha Laribi) ne semble pas intéressé par le sort de l'enfant. Il n'est que son beau-père. L'intérêt de l'époux, qui s'appelle finalement Khaled El Gat - on le saura que plus tard sans qu'on sache de qui il s'agit - est ailleurs. Ce personnage est supposé exprimer l'idée du machiavélisme que le cinéaste a voulu imposer à son film. A gros traits, parfois sans réelle cohérence, le quotidien d'Adem et de Jumbo évolue en parallèle avec celui de Zakia dans son enfermement et Khaled dans sa quête de fortune. Il y a donc forcément des bons et des méchants. Titi rencontre des trafiquants de kif qu'on oublie rapidement, fera la connaissance de jeunes drogués, rencontre le vieux restaurateur Amar, la coiffeuse Leila qu'il prend, peut-être, pour sa mère… Et bien sûr, le petit Ali qui deviendra un compagnon de solitude. Ali (Rayan Mahdi Idir) et Titi parlent comme des adultes sages. Paroles trop soignées pour être dites par des enfants n'ayant jamais fait l'école ! Reste que les dialogues sont assez bien écrits, permettant une certaine compréhension. L'image d'un Si Hocine (Ahmed Benaïssa), commissaire, fumant la pipe et portant un imperméable rappelle trop le commissaire Maigret ou même Sherlock Holms pour ne pas susciter le sourire. Le cinéaste l'a-t-il fait exprès ? Possible. Si Hocine tente de démasquer Khaled. Le cinéaste aurait pu éviter l'alourdissement de son histoire par des scènes inutiles qui ressemblent à une double couche de beurre sur un pain déjà gras. Pas besoin d'évoquer la «harga» et le rêve d'Italie - le jeune Ali voulant aller dans ce pays pour se faire adopter par un vieux couple - ou de «sur» souligner la bonté du gérant du bain maure (Arslane Lourari) où Titi trouve un petit boulot et un léger réconfort. La sensualité que Leila est censée exprimer dans le film est quelque peu forcée. Mustapha Laribi ne s'est pas débarrassé de son habit d'acteur de drama jouant comme à la télévision. Pas d'incarnation du personnage. C'est d'ailleurs tout le problème du long métrage de Khaled Barkat : une mauvaise direction d'acteurs qui aboutit à un film ordinaire. Il est vrai que Khaled Barkat a tout de même réussi à mener Titi et Jumbo à ce qu'il voulait, mais ce n'est pas suffisant. Le directeur photo, Allal Yahiaoui, n'a, lui, pas manqué à l'appel puisqu'il a fourni des images de qualité acceptable... «malgré le manque de projecteurs», comme ce technicien et artiste de talent devait l'avouer lors du débat qui a suivi la projection-presse. Allal Yahiaoui et Khaled Barkat (en tant que comédiens) se sont rencontrés dans le film La citadelle de Mohamed Chouikh (1988). Mais pourquoi donc Zakia n'a pas eu d'enfants pour compenser «l'absence» de Titi ? «Peut-être qu'elle doutait, qu'elle ne voulait pas avoir d'enfants. On voit bien que la mère n'est pas dupe. Elle a failli perdre la raison (…). Ce qui m'intéressait le plus était le parcours de l'enfant. Je n'essaie pas d'être philosophique ou intellectuel. Ce que vous avez vu est une fiction venue d'un vécu, de l'inconscient. Moi-même, j'étais dans un internat à Tlemcen, je suis resté pendant huit ans seul», a soutenu Khaled Barkat qui a parlé de «réalisation naturelle» du film. Khaled Barkat a écrit le scénario, produit et composé la bande originale du film. Il a évoqué Oros (un véritable personnage dans le film) précisant que c'est un chien dressé ramené d'une chenille. «Ce rottweiler est un champion d'Algérie. Il a passé plusieurs jours avec Adem et Rayan pour s'habituer à eux. J'ai souffert quelque peu avec les deux jeunes comédiens. Ils ne sont pas des professionnels, donc ils jouent comme on leur demande de le faire. Souvent, ils piquent des fous rires alors que la caméra tourne et que tout le monde attend !», a relevé le cinéaste. Mustapha Laribi s'est défendu d'être un acteur de télévision, rappelant sa formation théâtrale. «J'ai fait plusieurs films qui ne sont pas sortis, d'autres sont en attente. Je ne vois pas la différence entre la télévision et le cinéma. La caméra est la même», a-t-il dit. Titi est un film co-produit par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) et la société Studio Dirah. Il a été soutenu par le FDATIC (Fonds du ministère de la Culture). Adem Messili, quelque peu intimidé par la présence de la presse, a fini par annoncer qu'il compte faire carrière dans le cinéma. Ce n'est pas une mauvaise idée !