Les nouvelles autorités égyptiennes, où les militaires sont les vrais détenteurs des leviers de commandes, commencent lentement et sûrement à dicter leur loi. Martiale. Après avoir «dégagé» par la force le président élu Mohamed Morsi, le général Al Sissi et ses hommes de main politiques entreprennent désormais la chasse aux laïcs qui avaient pourtant soutenu bruyamment son coup d'Etat. Il ne se passe pas un jour sans que l'on signale un activiste laïc arrêté pour manifestation «illégale». Après avoir réglé (?) leur compte aux Frères musulmans, le régime militaire, remis en selle au Caire, s'est retourné contre ses supporters laïcs en leur fermant toute voie de protestation. Le président par intérim, Adly Mansour, a ainsi promulgué, il y a une semaine, une loi subordonnant toute manifestation à une autorisation préalable de l'administration. Une loi jugée «liberticide» par les défenseurs des droits de l'homme ; mais Al Sissi, ses lieutenants et ses faire-valoir politiques foncent tête baissée sur ceux qui refusent de se plier à ses nouvelles règles du jeu. Du coup, ce pouvoir de fait ouvre un autre front contre les mouvements laïques de la jeunesse, en plus de celui, ininterrompu, avec les islamistes. Hier, un nouveau militant des mouvements laïques de la jeunesse a été d'ailleurs arrêté pour avoir participé à une manifestation, le troisième en une semaine. Ahmed Douma «a été arrêté et les policiers lui ont annoncé qu'il était accusé d'avoir participé à une manifestation samedi», a déclaré Nourhan Hefzy. Il est actuellement interrogé par le parquet, a-t-elle ajouté. Hier, M. Douma avait écrit sur Twitter : «Je suis actuellement au commissariat d'Al Bassatine. Je ne sais pas encore ce qu'on me reproche et la raison de mon arrestation.» L'assaut d'Al Sissi et ses hommes Des sources judiciaires ont confirmé que M. Douma était interrogé, précisant qu'il devait répondre de l'«organisation d'une manifestation illégale» et de «violences» samedi devant un tribunal du centre du Caire. En effet, des dizaines de militants laïques avaient été dispersés par la police à coups de grenades lacrymogènes devant ce tribunal, en vertu de cette fameuse loi interdisant tout rassemblement public n'ayant pas obtenu l'aval du ministère de l'Intérieur. Ils accompagnaient Ahmed Maher, fondateur du mouvement du 6 Avril, fer de lance de la révolte de 2011, qui se rendait à la justice pour répondre d'une autre «manifestation illégale». Libéré dans cette affaire, il est actuellement en détention préventive pour quatre jours pour répondre de ce rassemblement de samedi. Amr Moussa se met au garde-à-vous ! Deux jours plus tôt, la police avait arrêté à son domicile une troisième figure du mouvement laïque en Egypte, Alaa Abdel Fattah, pour avoir «organisé une manifestation illégale» et «agressé un officier de police». Par ailleurs, le procureur général avait lancé une enquête après une plainte visant M. Douma et une autre militante, Asma Mahfouz, notamment pour «insultes» au général Abdelfattah Al Sissi, commandant en chef de l'armée et véritable homme fort de l'Egypte depuis qu'il a annoncé la destitution du président islamiste Mohamed Morsi le 3 juillet, selon des sources judiciaires. Il est clair que le régime d'Al Sissi semble décidé à sévir, quitte à emporter tout le monde sur son passage. Et pendant qu'il mate les manifestations de rue, il accélère la cadence de sa feuille de route politique pour se donner un semblant de légitimité qui lui fait cruellement défaut. La commission constituante qu'il a mise sur pied a remis, hier, le projet de Loi fondamentale adopté dimanche par la Commission des «50», présidée par le controversé Amr Moussa. L'ex-patron de la Ligue arabe, qui s'est mis au service des militaires faute de pouvoir se faire élire, a appelé les Egyptiens «à participer au référendum et à voter oui». Son argument ? «L'Egypte est face à une sédition dangereuse et il faut absolument y mettre un terme.» Amr Moussa ne dit évidemment pas qui est responsable de cette sédition. Quoi qu'il en soit, le référendum constitutionnel est la première étape de la «feuille de route» encadrant la transition, qui doit se poursuivre avec des élections législatives et présidentielle. Il faut signaler que le projet de Constitution, qui sera soumis à référendum, consolide le pouvoir de l'armée égyptienne en autorisant notamment les tribunaux militaires à juger des civils. Mais Amr Moussa a certainement des raisons de se «mettre au garde-à-vous» que la raison n'a pas.