La gauche au pouvoir a dû se faire violence pour marcher sur les traces des précédents gouvernements et fêter la journée de la République en grandes pompes, provocant la colère des pacifistes, dont les plus irréductibles, membres du gouvernement Prodi, ont choisi de manifester avec les organisateurs d'une contre-parade. En ce 2 juin 2006, jour qui marque le soixantième anniversaire de la proclamation de la République italienne en 1946 après qu'un référendum populaire ait abolit la monarchie, le président de la chambre des députés et ancien secrétaire général du Parti communiste italien, Fausto Bertinotti, assis aux premiers rangs, aurait bien voulu être n'importe où sauf à la tribune d'honneur dont les occupants avaient pour devoir de saluer les membres de l'armée italienne qui ont défilé sur le boulevard des Fori Imperiali. La parade du 2 juin a été consacrée depuis six décennies comme l'un des moments les plus importants de la fête de la République. Mais pour ce 60e anniversaire, le cœur des dirigeants des partis de gauche, notamment les communistes et les Verts, n'étaient pas vraiment au goût du triomphalisme militariste, tant les événements dans les lointains Irak et Afghanistan ont rattrapé la politique italienne depuis longtemps. Le mois dernier deux attentats perpétrés contre le contingent italien basé en Irak mais également contre celui déployé en Afghanistan, ont endeuillé l'Italie qui a dû organiser en quelques jours deux funérailles d'Etat. Ce drame a ravivé la douleur des pacifistes italiens et le débat autour du retrait des forces armées de leur pays des zones en guerre est revenu au-devant de la scène politique. Mais la gauche arrivée au pouvoir avec une modeste victoire sur la coalition de droite de Silvio Berlusconi ne pouvait inaugurer son règne en abolissant la parade militaire, comme le réclament communistes et Verts et une partie importante de la société civile. De plus, le patriotisme fait toujours recette en ces temps de crise économique sérieuse et de Mondial de football aux portes. Le défilé de l'armée italienne a bel et bien eu lieu et la polémique a pris Bertinotti, premier communiste à être président de la chambre des députés. « Il n'est pas cohérent », lui ont lancé ses détracteurs, qui rappellent comment il avait usé les semelles de ses mocassins de belle facture, ces dernières années, en marchant dans les rues de Rome contre la guerre. Et c'est pour calmer les esprits que le nouveau ministre de la Défense Arturo Parisi a choisi d'organiser une parade moins lourde et spectaculaire que de coutume. Pas de lourds véhicules de guerre et seulement 7006 soldats qui marchent, au lieu des 8700 de 2005. Pas de prouesses de l'aéronautique, mais seulement quelques appareils pour libérer dans le ciel romain les trois couleurs du drapeau italien (blanc, vert et rouge) pour clore le défilé. Choix motivé par la pondération institutionnelle ou restriction due au déficit du budget de l'Etat ? L'avis des italiens est partagé. La parade a été inaugurée, sur le boulevard des Fori Imperiali qui va du Colysée à la Place Venise, par des officiers et des carabiniers qui ont fait partie des contingents italiens qui ont opéré en Irak et en Afghanistan. Cette partie du défilé a été placée sous le titre « Vive l'Italie ». De l'autre côté du fleuve Tibre, l'ambiance était moins solennelle et plus détendue, quoique plus grave. Une anti-parade, organisée par le collectif « Pas de guerre (No war) », a choisi de dénoncer le défilé militaire du gouvernement aux environs du château Saint Ange. Des responsables du gouvernement, appartenant au mouvement des verts, ont choisi de s'unir aux manifestants pacifistes, au grand embarras de Romano Prodi. Paolo Cento, secrétaire d'Etat aux Finances, et responsable des Verts a promis, « en 2007 on abolira le défilé ». Quant au député communiste Marco Rizzo, il a dénoncé le manque de cohérence « de quelqu'un comme Bertinotti qui s'est toujours battu contre la guerre et contre la présence des militaires italiens en Irak et il fête la République avec une parade qui bafoue l'article 11 de la Constitution (qui bannit la guerre) ». Et pour éviter le pire, les responsables du Parti de refondation communiste ont demandé à la responsable de la région de Rome de ne pas envoyer de policiers à la manifestation en signe d'apaisement et de respect pour les pacifistes, qu'ils soient du gouvernement ou de la société civile.