, la tonitruante «patronne de presse», est venue livrer ses sentiments à El Watan étudiant, accompagnée de sa fille universitaire. Elle se dit «outrée» en tant qu'ancienne étudiante résidente, mais surtout en tant que mère d'étudiantes. Coup de cœur... Coup de gueule ! C'est avec nostalgie que j'ai tiré de mon album photos quelques clichés souvenirs de ma vie d'étudiante dans les années quatre-vingts, cela a fait rigoler ma fille ; une scène de danse entre copines dans l'intimité de notre chambre universitaire. Je ne me souviens plus clairement si c'était mon anniversaire ou bien une simple danse improvisée sur l'une de nos bonnes vieilles musiques de l'époque. J'habitais à la résidence 19 Mai à Annaba, et ma sœur était à la cité Nahass Nabil à Constantine. En ces temps-là, les résidences universitaires étaient mixtes, et pourtant, aux yeux de la société de l'époque, nous avions toute la confiance car nous représentions l'avenir et le modèle de réussite qui n'est en fait que le fruit de la bonne éducation. Nous jouissions du respect de tous. Et pourtant, quelques décennies plus tard, les étudiantes d'aujourd'hui qui résident désormais entre filles n'ont pas échappé à la calomnie. Qu'en était-il de nous autres qui vivions dans des cités mixtes ? Eh bien, la fraternité était le maître-mot entre les filles et les garçons, nous étudions côte à côte et nous participions à l'effort national de développement, à l'entraide et à l'alphabétisation dans la solidarité ; nous avions sué ensemble, comme frères et sœurs dans les campagnes de volontariat auprès de modestes agriculteurs et de bienveillantes femmes rurales. Notre apprentissage de la vie d'adulte s'est fait naturellement, car il était bâti sur de bonnes bases, et une communication saine entre les jeunes filles et les jeunes garçons. De la camaraderie et de l'amitié, mais aussi des rencontres qui se sont conclues par des mariages honorables entre gens instruits, qui ont d'ailleurs porté la famille algérienne vers un meilleur degré de conscience et de prospérité. La modernité n'a jamais été à l'origine de la déliquescence des mœurs, bien au contraire ; l'enseignement des filles est le plus efficace des antidotes contre la délinquance et la débauche. Les victimes de l'exploitation sexuelle et celles qui tombent, par malheur, dans le honteux commerce de la prostitution sont pour la plupart d'abord victimes de la pauvreté et par conséquent de la misère intellectuelle. Je tiens mon argument de données statistiques que ma propre sœur médecin a constatées lors d'une enquête sur le profil des mères célibataires. Ce n'est pas l'émancipation de la femme ni la modernité, mais bien au contraire c'est l'intégrisme qui est à l'origine de tous les maux de notre pays, c'est la montée de l'islamisme politique dès les années 80 qui a engagé la déstabilisation de la société et a fini par entamer son unité et la scinder en deux. Quand j'ai entendu ces filles pseudo journalistes s'autoproclamer redresseuses de torts et en donneuses de leçons morales, alors qu'elles ont commis des dérives bien plus condamnables, leur imposture m'a choquée quand j'ai vu d'autres filles réclamer naïvement des espaces de prière en espérant trouver une solution magique et la fin de tous leurs problèmes, cela m'a encore désolée, tant ces pauvres filles victimes d'un mauvais système d'éducation tombent aussi facilement dans l'indigence intellectuelle. Elles m'ont rappelé d'autres filles un certain 19 mai 1981, «Journée nationale de l'étudiant», des filles voilées, aveuglées par les manipulateurs des arguments religieux, elles étaient armées de «barres de fer» à l'assaut d'autres filles. Ce sont toujours les mêmes, par ignorance ou par opportunisme, ceux qui remontent les Algériens les uns contre les autres, qui croient détenir la vérité, qui jettent l'anathème sur l'autre. C'était le prélude aux horreurs que le pays a vécues par la suite durant les années noires du terrorisme. Hélas, ce que le terrorisme barbare n'a pas réussi à imposer, une certaine «mauvaise littérature», une presse malsaine est en train de le réussir. La propagande est finalement plus destructrice que le fer et le feu. En tant que journalistes, nous avons vainement essayé de constituer un conseil d'éthique pour parer à ce genre de graves atteintes à la déontologie. Notre idéal est la sauvegarde de la liberté d'expression, pour révéler les non-dits et casser les tabous, mais tout en demeurant professionnels, sans jamais souiller la profession. Hélas, hormis les quelques confrères reconnus pour leur probité, le projet bat encore de l'aile. Les imposteurs à la solde des desseins douteux ont pignon sur la cité. Et les dérives sont là, pitoyables, voyez-vous. Comment un lamentable reportage télévisuel tendancieux et un titre abusif sont arrivés à provoquer des dégâts aussi graves ; des centaines de filles issues des contrées les plus enclavées seront privées de savoir. Et un sérieux préjudice pour toutes les jeunes étudiantes, dont l'image a été ternie. J'était étudiante résidente, je suis journaliste, et je suis une mère, mes filles sont des étudiantes. C'est pour elles et pour leurs congénères que je parle, c'est pour l'intégrité de leur honneur que je me dois de défendre.