L'enlèvement des deux Italiennes et de deux Irakiens dans leur lieu de travail avait fait dire que la résistance irakienne a gagné en efficacité, et plus d'audace, et cette conclusion a été une nouvelle fois confirmée hier. C'est la zone dite verte, autrement dit la plus sécurisée de tout le territoire irakien, qui s'est embrasée une nouvelle fois hier avec une véritable bataille rangée dans laquelle l'armée américaine a engagé le fleuron de son armement blindé comme les chars Bradley. Trois heures d'intenses combats ont rappelé à quel point ce dispositif de protection américain, en fait un véritable bunker où se trouvent notamment l'ambassade des Etats-Unis ainsi que les institutions irakiennes, était dérisoire, et grande reste la détermination des résistants irakiens. Douze personnes, dont deux enfants et un journaliste, ont été tuées et 41 autres ont été blessées lors de ces combats, selon un bilan établi par les hôpitaux. Les affrontements à l'arme lourde et automatique entre l'armée américaine et la résistance ont commencé très tôt le matin dans une des rues de la capitale, qui n'a pas jusqu'à présent une particularité quelconque, malgré cette volonté d'en faire un fief de l'ancien régime, ce qui tend à réduire l'ampleur de la résistance et faire croire que celle-ci ne se bat pas contre un occupant mais tout juste pour venger son chef, voire son bienfaiteur. Même l'armée américaine n'a pu occulter l'intensité de ces combats. « Un Bradley, venu en appui, a été touché par l'explosion d'une voiture piégée et quatre soldats ont été blessés et évacués », a indiqué une porte-parole militaire américaine. Au milieu de la rue Haïfa, le char Bradley était en feu, alors que sautaient les explosifs qui se trouvaient à l'intérieur. Peu après, une foule s'est rassemblée autour du char en feu. Les femmes lançaient des youyous, les hommes faisaient le V de la victoire et jetaient des pierres contre l'engin blindé. C'est à ce moment que deux hélicoptères volant à faible altitude ont tiré des missiles à proximité du Bradley, laissant sur la chaussée 12 morts alors que les ambulances conduisaient les blessés à l'hôpital. « Mazen Al Tomaizi, fixeur pour Al Arabiya et journaliste pour la chaîne saoudienne Al Ekhbariya a été tué par les missiles tirés par les hélicoptères », a affirmé Ahmad Saleh, journaliste d'Al Arabiya. Au même moment, un cameraman irakien de l'agence Reuters a été légèrement blessé à la jambe et un photographe irakien de l'agence Getty a été légèrement blessé à la tête, a affirmé un responsable de l'agence britannique à Baghdad. Très probablement, l'armée américaine parlera de bavure et annoncera l'ouverture d'une enquête dont on ne saura jamais si elle a été effectivement menée, et quels en ont été les conclusions. Mais que dira par ailleurs l'armée américaine à la lecture du bilan d'hier ? A l'hôpital Karama, le directeur administratif a fait état de 10 morts, dont un enfant, et de 30 blessés, dont 3 femmes et 6 enfants, alors qu'à l'hôpital Karkh, un responsable du service des urgences a fait état de deux morts, dont un enfant. Par ailleurs, les chauffeurs de deux voitures piégées ont été tués alors qu'ils tentaient de forcer l'entrée de la sinistre prison d'Abou Ghraib et celle de la zone verte. Le lieutenant-colonel américain Steve Boylan a, quant à lui, révélé que entre samedi 22h30 (18h30 GMT) et dimanche à la mi-journée, une douzaine d'obus de mortier et de roquettes est tombée dans et à l'extérieur de la zone verte. Les Américains comptent les coups et leurs morts, et les personnalités irakiennes désignées aux postes de responsabilité ont fini par perdre la voix, ou ne plus savoir quoi dire tant la situation leur échappe, et qu'en fin de compte la résistance irakienne prouve chaque jour qu'elle ne dépend ni d'un groupe particulier ni d'une localité bien précise.