Le ministre des Transports manœuvre depuis son arrivée à la tête de ce département, en septembre 2013, pour placer un maximum de cadres et de militants de son parti dans les différentes entreprises relevant de son secteur. Les syndicats interpellent vivement la Fédération des transports affiliée à l'UGTA pour intervenir «afin de mettre un terme à ces pratiques révolues». Quelques mois après avoir pris les commandes du ministère des Transports, Amar Ghoul semble avoir réussi une prouesse : celle de s'attirer les foudres des représentants des travailleurs du secteur. Non pas parce qu'il refuse de satisfaire des revendications socioprofessionnelles – somme toute nombreuses et légitimes –, mais plutôt parce qu'il s'échine par des moyens détournés à «parachuter» des cadres et des militants de son parti dans les différentes entreprises relevant de son secteur. Des pratiques qui ont suscité le courroux des syndicats d'entreprise. De l'Erenav à la SNTR en passant par CNAN-Group, l'ENTMV, l'Etusa et Transub, toutes les entreprises publiques de transport ont été destinataires d'une note ministérielle leur demandant de faire parvenir au ministre «l'organigramme nominatif, en précisant l'état des postes ainsi qu'une situation de leurs effectifs». Une première dans ce département qui a eu à être dirigé par des hommes politiques. Envoyée le 31 décembre, cette note aurait pu passer inaperçue, si elle n'avait pas été précédée par une série de demandes de recrutement de militants du Tajamou Amal Jazair (TAJ) dans ces sociétés de transport autonomes de par leur statut. Ces «tentatives de noyauter» les sociétés de transport par des militants du TAJ ont été révélées par les syndicats. Le cas le plus édifiant est celui de l'entreprise de gestion des gares routières, la Sogral, implantée dans 33 wilayas. «Dès son installation, ce ministre s'est occupé des travaux de réfection, d'aménagement et d'équipements de ses bureaux sous couvert de facturation au nom des entreprises, dont Sogral a été une des victimes», nous précise Mohamed Yahyaoui, secrétaire général du syndicat d'entreprise, qui a vigoureusement dénoncé ce qu'il qualifie de «pratiques révolues qu'un ministre parvenu et militant veut remettre sur la table». Pour Mohamed Yahyaoui, il est inconcevable qu'un ministère procède au parachutage de cadres qui militent dans son nouveau parti dans des entreprises, dont ils n'ont absolument rien à voir. La réaction du syndicat a eu lieu après la désignation par le ministère d'un nouveau responsable à la tête de cette société, alors que le directeur se trouvait hospitalisé et qu'un intérimaire a été nommé souverainement par le conseil d'administration. Pour M. Yahyaoui, le ministère a piétiné l'autorité et les prérogatives du conseil d'administration de l'entreprise, seul habilité à prendre ce genre de décision. Le SG du syndicat relève ainsi une flagrante infraction au code du commerce. «Au nom de quoi ou de qui, un ministre s'immisce dans les affaires internes d'une entreprise commerciale autonome ? Comment peut-il lui imposer des cadres qui n'ont rien à voir avec le secteur ?», s'insurge M. Yahyaoui. Le code du commerce bafoué «La République, c'est le respect de ses lois, la désignation d'un nouveau responsable à ce niveau relève exclusivement des prérogatives d'un conseil d'administration», souligne-t-il, précisant dans ce sillage que la SGP, qui veille à l'application stricte de la politique de l'Etat dans le secteur du transport terrestre, avait toute la latitude de se prononcer sur ce type de décision. «Par le même procédé, il y a eu récemment la désignation d'un directeur d'une gare routière à l'intérieur du pays, dont le seul et unique critère est son adhésion au parti de Amar Ghoul», affirme ce syndicaliste qui dénonce la confusion des genres du ministre des Transports. Le ministère a adressé une note semblable aux présidents et directeurs des SGP (Gestramar, Sogeports et Fidber) leur intimant l'ordre de ne plus procéder à aucune nomination de cadres avant de «recueillir l'accord préalable» du ministère des Transports, «lequel au demeurant peut proposer d'autres candidats». Une note qui ne souffre aucune ambiguïté. Le ministre aurait également bloqué des changements et des nouvelles nominations au sein de la compagnie nationale Air Algérie pourtant approuvées depuis quelques mois par le conseil d'administration de l'entreprise. Déçus par ces pratiques, les travailleurs appellent ainsi le ministre à s'attaquer plutôt aux problèmes exogènes que rencontrent les entreprises du secteur, au lieu de multiplier des actions de parachutage. Les syndicats de toutes les entreprises de transport routier, maritime, ferroviaire et aérien se solidarisent pour faire face à ce qu'ils qualifient de «précédent grave». Ils interpellent vivement la Fédération nationale des transports, affiliée à l'UGTA, afin qu'elle agisse pour mettre un terme à ces «pratiques contraires au code du commerce, à l'éthique politique et aux principes de management d'entreprise». Ils refusent que ces entreprises soient utilisées comme un instrument de recrutement de militants pour un parti politique. Du côté du ministère des Transports, c'est le silence radio. Nos tentatives de joindre ce département ministériel pour obtenir des explications se sont avérées vaines, le responsable de la communication étant aux abonnés absents.