Le gouvernement n'a pas reculé, mais a juste apporté des précisions en reformulant un alinéa du projet de loi, selon le ministre de la Communication. Le privé algérien aura la possibilité de lancer des chaînes généralistes et pas uniquement thématiques. Abdelkader Messahel, ministre de la Communication, a trouvé la formule pour «neutraliser» les critiques qui ont accompagné le débat sur le projet de la loi sur l'activité audiovisuelle à l'APN. Il a suffi de supprimer deux expressions dans la définition de la chaîne thématique portée dans l'article 7 «destinée à une catégorie précise du public» et «spécialisée». La nouvelle formulation de l'alinéa 6 est devenue : «Une chaîne télévisée ou radiophonique thématique est un programme axé sur un ou plusieurs thèmes.» Exégèse et gymnastique Cette gymnastique a été engagée pour éviter la contradiction avec la loi organique sur l'information (votée en 2012) qui n'a retenu que «la chaîne thématique» pour le privé. «Nous n'avons pas reculé. Nous avons juste apporté des précisions. Parfois, nous avons besoin d'être plus explicites. C'est pour gagner en compréhension du texte. Une chaîne multithématique peut contenir une programmation d'information, de sport, de musique, de cuisine…», a déclaré le ministre de la Communication lors d'un point de presse, hier après-midi, à l'APN. Selon lui, une chaîne d'information continue peut être considérée comme une chaîne thématique. Il a expliqué la composante de l'Autorité de régulation, désignée par le président de la République et les deux présidents du Parlement, par le fait que l'Etat a le monopole sur les fréquences. «Cela est valable dans tous les pays. L'Etat fait pour une période définie une concession aux privés pour utiliser les fréquences. Les critères d'intégrité, de neutralité et de connaissance du secteur seront exigés aux futurs membres de l'Autorité de régulation», a soutenu le ministre lors de discussions avec les journalistes. Des députés ont critiqué la non-élection de cette autorité par les professionnels de l'audiovisuel et exprimé des craintes sur les larges pouvoirs qui lui seront dévolus. Des parlementaires ont parlé de véritables menaces sur la liberté d'expression en Algérie. Abdelkader Messahel a estimé que la loi autorise «une ouverture définitive» du champ audiovisuel aux «privés qui répondent à certains critères». Les chaînes privées déjà existantes devraient se conformer à la loi Il n'existe, selon lui, aucune volonté de fermeture de la part du gouvernement. «Ceux qui parlent de fermeture sont responsables de leurs propos. Cette loi est un acquis pour la démocratie et pour la liberté d'expression en Algérie», a-t-il affirmé, précisant que l'ouverture du champ audiovisuel complète «l'ouverture médiatique» de 1990. «Nous n'avons pas attendu cinquante ans cette ouverture pour revenir en arrière et faire les choses à moitié», a estimé, pour sa part, Houda Talha, présidente de la commission culture, communication et tourisme à l'APN. Abdelkader Messahel a indiqué qu'il est dans l'intérêt des chaînes privées déjà existantes (Echourouk, Dzaïr TV, Ennahar…) de devenir des sociétés de droit algérien. Après cette procédure, ces chaînes, et celles qui vont être créées, sont tenues de solliciter la Télédiffusion d'Algérie (TDA) pour accéder aux satellites et à la TNT (numérique terrestre). La TDA réserve actuellement treize fréquences satellites. «Ces chaînes doivent se conformer à deux cahiers des charges, l'un concerne le contenu des programmes, l'autre les aspects techniques», a précisé Abdelkader Messahel. Il n'a pas écarté la possibilité du lancement d'une chaîne publique d'information continue. «Nous avons beaucoup de projets. Les journalistes qui sont dans le secteur privé ont les mêmes droits que ceux qui sont dans le secteur public en matière de formation offerte par l'Etat. Le citoyen y gagne. Plus on est professionnel, plus on est dans l'information crédible», a-t-il noté. Les débats sur le projet de loi sur l'activité audiovisuelle ont duré deux jours, marqués par l'intervention de 140 députés. En fin d'après-midi d'hier, le groupe parlementaire du FFS, mené par Chafaâ Bouaiche, s'est retiré de la plénière en raison de remarques qualifiées de déplacées du député Saïd Lakhdari du FLN à l'égard de ceux qui «évoquent les résidus du parti unique». Eh bien, ceux qui sont dans le parti unique sont vos maîtres !», a lancé ce député de Tizi Ouzou. Le FFS a dénoncé, dans un communiqué, la programmation de l'intervention de ses députés faite par le bureau de l'APN dans la soirée de mardi «pour qu'elle ne bénéficie pas d'une couverture médiatique convenable».