En plus de la question cruciale de la sécurité, le gouvernement de Ali Zeidan doit faire face à un conflit tribal qui oppose les Ouled Slimane et les Toubous. Depuis le renversement du régime de Mouammar El Gueddafi en septembre 2011, la Libye est plongée dans une spirale de violences et d'assassinats de laquelle elle peine toujours à sortir. En plus des militaires et des responsables des services de sécurité, les politiques paraissent désormais constituer une cible privilégiée pour les nombreuses milices armées qui se disputent actuellement le «gâteau» libyen. L'assassinat par balle, dans la nuit de samedi à dimanche, du vice-ministre de l'Industrie, Hassan Al Droui, au cours d'une visite qu'il effectuait à Syrte, sa ville natale, montre à tout le moins que les nouvelles autorités libyennes n'ont encore aucune maîtrise du terrain et que les milices armées peuvent frapper quand elles veulent et où elles veulent. En plus de la question cruciale de la sécurité, le gouvernement de Ali Zeidan doit faire face à un conflit tribal mal éteint qui oppose la tribu arabe des Ouled Slimane et les Toubous (noirs libyens). Ces deux grandes tribus rivales se livrent une guerre sans merci depuis octobre 2011 pour le contrôle du Sud libyen, une région riche en pétrole et qui se trouve être aussi particulièrement prisée par les trafiquants d'armes et de drogue en raison précisément de l'absence de l'Etat libyen. S'il perdure, le conflit peut provoquer l'éclatement de la Libye. Et pour le malheur de Ali Zeidan, les affrontements entre les deux parties ont repris de plus bel jeudi après la mort du chef d'une milice de la tribu arabe Ouled Slimane, qui accuse les Toubous d'être derrière ce meurtre. Résultat : au moins une vingtaine de personnes auraient été tuées samedi. Ces combats sont, selon de nombreux médias, les plus importants entre les deux camps depuis le cessez-le-feu conclu en mars 2012 pour mettre fin à des combats ayant fait plus de 740 morts et 400 blessés. Selon des témoins, les combats ont repris hier matin, après une accalmie relative dans la nuit. Jusqu'à hier après-midi, aucun bilan officiel des affrontements n'a été fourni par les autorités libyennes. Le directeur du centre médical Sebha a appelé les équipes médicales, samedi à travers une émission télévisée, à rejoindre le centre pour prodiguer des soins aux personnes blessées lors de ces affrontements. Les Toubous dénoncent régulièrement leur marginalisation au sein de la société libyenne. Leur chef Issa Abdelmajid Mansour est allé même jusqu'à dénoncer en mars 2012 un plan de «nettoyage ethnique» visant sa tribu, brandissant la menace séparatiste. De leur côté, les autres tribus les accusent de compter dans leurs rangs des combattants étrangers venus notamment du Tchad. Les tribus arabes, comme les Ouled Slimane, dénoncent l'«inaction» du gouvernement face à une «invasion étrangère». Selon certains observateurs, les affrontements tribaux à Sebha pourraient affecter la production dans plusieurs champs pétroliers. A ce propos, il est à rappeler que le pays fait déjà face à une grave crise pétrolière en raison du blocage depuis juillet des principaux terminaux pétroliers dans la Cyrénaïque, une région toute aussi gangrenée par la violence que les autres. Cela à la seule différence que la Cyrénaïque a mis tous les Libyens devant le fait accompli en annonçant, l'année dernière, son autonomie. Sur le plan politique, c'est aussi la grande incertitude pour l'exécutif, dont le chef Ali Zeidan est devenu indésirable aux yeux de certains partis. Le Congrès général national (CGN, Parlement), qui devait d'ailleurs se réunir hier pour décider de son sort, a finalement décidé de reporter sa session en raison de l'absence d'un consensus. Depuis plusieurs semaines, Ali Zeidan est régulièrement critiqué par les membres du CGN pour n'avoir pas pu rétablir la sécurité dans le pays. Pourtant, à l'intérieur comme à l'extérieur de la Libye, tout le monde le considère comme étant le moins mauvais des responsables. Les raisons de son limogeage programmé sont donc forcément à chercher ailleurs.