Certaines femmes voilées n'en démordent pas. Elles doivent pouvoir accompagner leurs enfants lors des sorties scolaires, même revêtues de leur voile islamique. Un appel en cassation vient d'être formulé. Au même moment, les revendications catholiques se font de plus en plus entendre. Lyon De notre correspondant La décision du Conseil d'Etat au sujet des mères de famille voilées qui accompagnent leurs enfants lors des sorties scolaires a laissé des points d'ombre. L'instance judiciaire s'était prononcée à la veille de Noël sur une circulaire édictée par Luc Châtel en mars 2012. Le ministre de l'Education nationale rappelait alors que «les principes de laïcité de l'enseignement et de neutralité du service public sont pleinement applicables au sein des établissements scolaires publics. Ces principes permettent notamment d'empêcher que les parents d'élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu'ils accompagnent les élèves lors de sorties ou voyages scolaires». L'affaire avait été portée au plus haut niveau juridique par le défenseur des droits, Dominique Baudis, afin de trouver une solution à ce blocage institutionnel face à des musulmans préoccupés de maintenir l'évolution de leur mode de vie vers plus de visibilité. L'étude rendue publique par le Conseil d'Etat en décembre 2013 ne remet pas en cause la circulaire de l'administration, mais demande de l'appliquer dans le cadre du dialogue. Chaque établissement devra ainsi juger en toute indépendance. Le principal syndicat des instituteurs (SNUIPP) jugeait pour sa part important de ne pas perdre le fil du cas par cas, car la circulaire «ne correspond pas à la manière dont les enseignants travaillent sur le terrain avec les familles. Tout en étant très respectueuses de la laïcité, les pratiques enseignantes s'appuient sur le dialogue avec les parents». C'est dans ce flou qu'une femme voilée s'engouffre en ce début d'année 2014 afin de faire changer les choses. A Nice, elle ne peut toujours pas accompagner son enfant, malgré cette légère clarification de la haute instance judiciaire française. Pour elle, rapporte le journal Le Monde, cela «porte atteinte à sa liberté religieuse». Soutenue par son avocat, elle insiste pour dire que c'est une mesure «discriminatoire qui n'est justifiée ni par l'ordre public ni par l'intérêt de service». Le tribunal lui ayant donné tort, elle s'apprête à porter l'affaire en pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat. Les associations islamistes qui sont derrière ce type d'intervention juridique espèrent créer une nouvelle jurisprudence qui leur serait favorable et faire reculer un peu plus encore les limites de la laïcité. D'ailleurs, il y a peu, le Collectif contre l'islamophobie (CCIF) a été reçu, pour la première fois, par un ministre en exercice, le ministre délégué à la Ville, François Lamy. «C'est un nouveau pas dans la prise en compte institutionnelle de l'islamophobie», s'est félicité à cette occasion le porte-parole de l'association, Marwan Muhammad. Le curseur sur l'activisme catholique La visite de François Hollande au Vatican vendredi dernier chez le pape François à Rome a de nouveau rappelé à la France un autre écueil, le frêle équilibre de la place de la religion dans la société, mal vécue non seulement avec les musulmans, mais aussi d'une certaine manière par les catholiques. Si le président français a redit les constantes à cet égard devant le souverain catholique, il n'en reste pas moins que les médias ces derniers temps ont mis le curseur sur les difficultés de la République française à se dégager des exigences religieuses diverses et variées. Les catholiques ont été en 2013, et encore en ce début d'année, aux avant-postes, avec leur défense de valeurs, qu'ils estiment infranchissables. Cela a été le cas pour la question du mariage étendu aux personnes de même sexe, reconnu désormais par la loi. En ce début 2014, le gouvernement a d'autres cartes à jouer, au sujet de l'aide à la fin de vie autorisée (euthanasie ou suicide assisté), la réforme, votée, de la loi sur l'avortement, ou encore le projet qui traîne dans les cartons depuis déjà longtemps sur une redéfinition légale du genre qui consisterait, selon les religieux, à nier les spécificités de chacun des deux sexes. Cette théorie refuserait de considérer qu'il existe bien une différence originelle entre les sexes, masculin et féminin. Sur toutes ces évolutions sociétales voulues par le gouvernement socialiste, une «supplique» de 110 000 catholiques français exprimant leur «malaise» a été rendue publique, alors que le Président était à Rome. François Hollande a défendu sa ligne : «la France défend partout la liberté religieuse». «C'est la patrie de la liberté de conscience, de conviction». Au même moment, le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, avait un discours plus offensif : «il faut mener un combat parce qu'il y a danger». Il mettait en cause les intégristes catholiques et aussi ce qu'il nomme pudiquement et de façon certainement hâtive «revendications religieuses dans les banlieues» au lieu de parler d'islam. C'était devant les députés socialistes lors d'une rencontre sur la laïcité, jeudi dernier, à l'Assemblée nationale. Outre «des intégristes de l'ultradroite catholique, rejoints par une partie de la droite», le ministre pointe du doigt «un débat qui gêne la gauche sur la montée des identités, des communautarismes. Nous le rencontrons notamment dans les quartiers populaires où la misère, le chômage, la violence se rajoutent à une crise identitaire forte». A droite, enfin, le président de l'UMP, Jean François Copé, a détaillé à la fin de la semaine dernière son programme, allant jusqu'à prôner «à nouveau la tradition française de l'assimilation». «Sur la laïcité, il faut réaffirmer le respect des lois de la République dans l'école, dans l'entreprise et dans la sphère publique».