Nadia Chouider, Directrice à la Garderie Montessori Ibn Khaldoun, lance un cri d'alarme contre les méfaits de la télévision sur les plus petits. Fouroulou n'a pas d'école, n'a pas de maison, n'a presque plus de parents. Il vit la télévision. Un univers qui bouge, qui ne le fatigue pas, qui ne lui demande rien, un univers qui l'hypnotise et l'emporte vers l'irréel. Fouroulou ne parle pas, il crie. Parfois il émet des sons. Fouroulou n'écoute pas, il semble absent, le médecin dit pourtant qu'il entend bien. Fouroulou s'agite se débat, lutte contre un monde réel qu'il ne maîtrise pas. Non Fouroulou n'est pas un enfant autiste c'est l'enfant de la télé. Fouroulou ne vit plus au village, il ne s'émerveille plus devant la nature, il ne se rappellera pas de sa première rentrée scolaire. Chaque année depuis 10 ans je reçois à la Garderie Montessori Ibn Khaldoun un ou deux Fouroulou, victimes de la télévision. Fouroulou ne joue pas. Fouroulou erre dans un monde irréel. Il s'éloigne chaque jour de nous. Souvent, les parents occupés et fatigués par de longues et fastidieuses journées de travail, «branchent» leur enfant à la télévision pour «l'occuper» le «calmer» ou encore mieux «l'éduquer». Les nourrices qui gardent les enfants chez elles, utilisent souvent la même stratégie pour «occuper» les enfants pendant qu'elles font le ménage ou préparent le repas. Malheureusement, l'enfant est hypnotisé devant l'écran mais s'agite de plus en plus dès qu'il en est privé. Les parents expliquent que très tôt l'enfant a regardé les «programmes éducatifs» : Dora l'exploratrice, Les oiseaux du paradis (thouyour el djenna), Baby TV. Quand il a atteint l'âge de parler et qu'il ne parle pas, quand ses yeux ne rencontrent plus ceux de ses parents, quand les symptômes de son absence deviennent visibles, les parents consultent, et sont souvent confrontés à ce terrible diagnostique : «Retard de langage, troubles du comportement, spectre autistique.» Les parents découvrent estomaqués les ravages de la télévision sur le développement de leur enfant. NON la télévision n'éduque pas. NON la télévision n'enseigne pas. Michel Desmurguet, professeur en neurosciences, dans son livre TV Lobotomie compile plus d'un millier d'études et de recherches sur les effets de la télévision pour démontrer (entre autre chose) que : • La télévision empêche le déploiement optimal des fonctions cérébrales et compromet l'ensemble du devenir intellectuel, culturel, scolaire et professionnel de l'enfant. • La télévision a un impact négatif sur l'attention, les facultés d'apprentissage et la réussite scolaire à long terme. • A l'âge précoce de 0 à 3 ans, le simple fait d'avoir la télévision allumée dans une pièce sans la regarder aurait des effets sur le développement intellectuel. La raison profonde de cette déficience en matière de maturation de l'intelligence ne serait pas liée à la qualité déficiente (ou non) des programmes, mais à la nature non interactive de la télévision. La télévision castre l'imaginaire enfantin ; les enfants rejouent les scripts des films et des séries et n'inventent plus de jeux. • La télévision accélère le déclin du niveau cognitif des vieillards et accroît les maladies d'Alzheimer. Mme K. Benakli, orthophoniste installée depuis 8 ans, reçoit régulièrement dans son cabinet, des enfants souffrant de troubles du comportement, de retards de langage, de troubles et retards cognitifs qui, très souvent trouvent leurs causes dans une exposition précoce et longue des enfants aux écrans de télévision: «L'enfant obéit aux voix robotiques de la télévision et n'écoute pas les personnes qui l'entourent». Elle ajoute que parfois «l'enfant prend la voix d'un personnage de dessin animé» et parle de «déficit d'attention sociale». Mme Benakli est formelle : «La télévision prive l'enfant d'interactions avec son environnement et avec son milieu social et de ce fait, elle engendre des retards et des troubles du langage, un appauvrissement drastique de son imaginaire et surtout des troubles cognitifs importants. Le simple fait d'enlever la télévision de l'environnement de l'enfant contribue à sa stabilité et à son développement cognitif, social et comportemental.» M. H. père d'une fillette, précocement exposée à la télévision : «Pour nous, jeunes parents, la télévision fait partie de notre vie, on ne peut pas s'imaginer qu'elle puisse nuire au développement de l'enfant. Personne ne nous l'a dit ! Même le pédiatre chez qui ma fille était suivie depuis sa naissance à raison d'une visite par mois, ne nous a pas mis en garde contre les méfaits de du petit écran. Ma fille regardait la télévision toute la journée et toute la soirée, nous avons constaté qu'elle n'évoluait pas comme les enfants de son âge, elle était «absente», elle ne parlait pas, elle criait. Aujourd'hui elle va mieux, nous avons un deuxième enfant et maintenant la règle à la maison c'est «zéro TV» ! Je dis à tous mes amis de faire attention, pour leur éviter de faire la même erreur.» Un autre papa, dont l'enfant fréquentait aussi la Garderie Montessori Ibn Khaldoun, m'écrit quelques années plus tard : «Jusqu'à l'âge de deux ans, mon fils ne prononçait pratiquement aucun mot, et son seul moyen de communiquer était de hurler, le médecin qui l'a consulté, nous a indiqué que la principale cause serait une dépendance assez aigue à la télévision, ce qui l'a rendu passif voire indifférent au monde réel. Sa dépendance était telle, qu'il s'abstenait de manger, de parler et parfois même de faire ses besoins naturels, en fait, il ne voulait fournir aucun effort, et partant aucune activité physique ou mentale, ce qui a influé sur sa croissance (retard de langage). (…). Aujourd'hui mon fils a huit ans, il est en troisième année primaire, il suit bien ses cours et leçons et compte parmi les premiers de sa classe, il parle et écrit deux langues… mais il reste très attiré par la télévision et les jeux vidéo, ce qui nécessite une vigilance permanente de notre part.» «Après la cigarette ou le resto rapide, nul doute que la télévision sera la prochaine grande question de santé publique», conclut Michel Desmurguets, dans son livre TV Lobotomie cité précédemment. Il donne cinq pistes aux parents responsables : 1. au mieux « zéro télé» pour toute la famille ; 2. sinon, pas de poste dans la chambre des enfants ; 3. pas de télévision avant 6 ans ; 4. moins de 3 heures par semaine devant un écran (télévision ou vidéo) pour les écoliers et les collégiens, et jamais le soir ; 5. et pour les adultes, avoir toujours à l'esprit les risques d'isolement, de maladies, de déclin cognitif… J'ai régulièrement vu des Fouroulou défiler à la garderie depuis son ouverture en 2004. Je les ai vus perdus, titubants. Après des efforts titanesques consentis par les parents et les spécialistes, et sous le regard (souvent mais pas toujours) bienveillant des autres enfants, je les ai vus se relever, progresser, éclore, et fleurir. Une chance qu'ils aient cette capacité extraordinaire de se reconstruire. Je ne souhaite toutefois à personne de passer par ce tunnel même si la lumière est toujours au bout. Inutile de les exposer à la tv la vie est tellement plus belle !