Il y avait du monde hier à l'intérieur et à l'extérieur de la maison de la presse Tahar Djaout. Journalistes, militants associatifs, avocats, militants des droits de l'homme, animateurs de syndicats autonomes, responsables des organisations de familles des journalistes assassinés et simples citoyens ont bravé un soleil de plomb pour accueillir le héros du jour Mohamed Benchicou, directeur du quotidien Le Matin, libéré après 24 mois de détention à la maison d'arrêt d'El Harrach. Les forces de l'ordre ont pratiquement quadrillé les abords de la maison de la presse. Sait-on jamais ! Mais la joie des retrouvailles entre le journaliste et sa famille de la presse fut telle que l'événement a revêtu un cachet presque festif. Quand, à 11h50, Mohamed, flanqué de Belaïd Abrika et de Rachid Allouache, fit irruption dans le portail de l'enceinte, la foule explosa comme un boucan aux cris de : « Sahafa horra dimokratia » poussés par des centaines de gorges. Affichant un large sourire, le journaliste visiblement ému par les nombreuses marques de soutien agite sa main pour rendre le salut. Les pommettes en feu, Benchicou, en complet gris et chemise verte à rayures, suffoque de chaleur au milieu de cette foule compacte mais tient bon grâce à cette chaleur humaine... Sa première halte ? Un pèlerinage au siège de son journal Le Matin où il n'a plus remis les pieds depuis... le 14 juin 2004. Benchicou ressort aussitôt et arpente triomphalement la cour de la maison de la presse sous les youyous stridents des femmes et clameurs des hommes. Difficile de s'approcher de lui, tant la nuée de reporters nationaux et étrangers ne l'ont pas lâché d'une semelle. Bien que manifestement en bonne santé, Benchicou donnait cette nette impression d'être happé par cette ambiance et ce bain de foule auquel il a eu droit. Pendant ce temps, les tubes contestataires de l'emblématique chanteur engagé le défunt Matoub Lounès accompagnent cette intense atmosphère de retrouvaille des « Algériens qui bougent » à pleins décibels. Le journaliste, bien encadré par ces accompagnateurs, est dirigé vers le siège du conseil de l'éthique de la déontologie qui fait accessoirement office de point de chute du... comité pour la libération de Benchicou. 13h passées, le soleil darde de ses rayons, mais la foule ne bouge pas tant qu'elle n'a pas vu de près le journaliste enfin libre. 13h15. Un peu reposé et plus détendu, Benchicou tient le micro devant le siège d'El Khabar. « Je suis ressorti libre et intact ! », lança-t-il à la foule. Il n'en fallait pas plus pour soulever les acclamations délirantes de son auditoire. « Il n'a pas perdu le sens de la formule ! », commente un confrère. Oui, Benchicou ne donne pas cette image d'un homme formaté par l'épreuve qu'il vient d'endurer. Plus engagé que jamais, il demande à ses confrères : « N'ayez pas peur de leur prison, vous y trouverez des Algériens qui luttent et qui résistent ! » « Djazaïr horra dimokratia », s'époumone la foule. Grosse émotion quand le journaliste libéré a remis lui-même le prix de La plume libre à Ali Lmrabet, directeur du journal Demain le Maroc, et Bachir Larabi, correspondant d'El Khabar à Naâma, lui aussi incarcéré pour ses écrits. 13h30. Fatigué, Mohamed Benchicou prend congé de ses admirateurs non sans leur donner rendez-vous pour « d'autres luttes et d'autres printemps » !