L'euro ouvrait hier en très forte hausse sur le marché parallèle du square Port-Saïd. La monnaie européenne valait ainsi 153 DA, soit son plus haut niveau depuis son entrée en vigueur en janvier 1999. Un euro qui fait des siennes en cette période habituellement creuse de l'année, cela suscite fatalement moult interrogations. D'autant que sa valeur officielle sur le marché international des changes n'évolue que modérément ces quelques dernières semaines. Que se passe-t-il donc au square ? De par sa nature même de marché informel, la place Port-Saïd n'obéit pas toujours à des paramètres économiques facilement analysables. Comme toute autre denrée marchande, lait, ciment ou autres, les devises cotées n'évoluent cependant en surcote ou en décote, qu'en réaction à la sacro-sainte loi de l'offre et de la demande, l'existence même d'un marché parallèle actif n'étant à la base qu'une réponse naturelle à l'absence d'une offre officielle de devises en suffisance. Aussi, si l'euro flambe sur le marché informel, c'est que forcément la demande à l'achat de devises y est exceptionnellement forte, tandis que l'offre n'y croît pas en conséquence. Un sommet de 153 DA pour un euro veut donc dire tout simplement qu'il y a en ce moment une espèce de ruée inédite sur les devises au marché parallèle. Et si les dernières dépréciations de la monnaie nationale participent, dans une certaine mesure, à cette tendance au renchérissement de la devise européenne, le contexte préélectoral et les tensions sociopolitiques qui prévalent actuellement ne seraient pas étrangers à la panique qui s'est emparée ces dernières semaines de la place Port-Saïd. Nombre d'observateurs et de cambistes du square évoquent en effet des flux soudains à l'achat de devises, profitant sans doute à autant de transferts à l'étranger, ce qui ne manque pas de tirer le cours informel de l'euro vers d'inédits sommets. Quoi qu'il en soit, la fièvre de l'euro, les tribulations du dinar et le contexte général du marché parallèle des devises, quand bien même il sévit dans une parfaite illégalité, sont en définitive un baromètre fiable de l'état de santé de l'économie nationale, de sa sphère marchande, mais aussi des interactions sociopolitiques ayant cours en cette période. Et, bien des experts vous le diront, plus le pays dépend des revenus pétroliers, plus sa compétitivité en hors hydrocarbures tend à s'annihiler, plus l'économie souterraine et son marché noir de devises continueront à prospérer et à s'ériger, pour ainsi dire, en alternative incontournable.