Avec la destitution, mardi soir, du Premier ministre, Ali Zeidan, et son remplacement «provisoire» par le ministre de la Défense, Abdallah Thaniy, la Libye s'enfonce encore plus dans le chaos et l'on s'interroge, continuellement, si l'on peut encore éviter la guerre civile. Tunis De notre correspondant Il a fallu une troisième motion de censure, en moins de deux mois, pour que le Congrès national général libyen (CNGL) parvienne à retirer sa confiance au Premier ministre, Ali Zeidan, contesté depuis quelque temps. Il a, surtout, fallu l'aval de l'Alliance des forces nationales de Mahmoud Jibril avec les Frères musulmans du Parti de la justice et la construction (PJC) qui ont pu réunir les 120 voix nécessaires à la destitution du chef du gouvernement. La motion d'avant-hier a ainsi obtenu 124 voix sur les 200 membres composant le CNG. La proposition de nommer de manière «provisoire» Abdallah Thaniy à la tête du gouvernement a facilité le vote dans la mesure où ce dernier est une personnalité consensuelle, en attendant de trouver celui qui peut diriger le pays en cette phase très délicate de l'histoire de la Libye. Le spectre de la guerre civile planant plus que jamais à l'horizon. C'est l'histoire du pétrolier nord- coréen qui a sonné le glas de Ali Zeidan. Ce dernier n'a pu imposer l'autorité de l'Etat libyen sur ses richesses, ni empêcher le pétrolier de prendre la fuite. Pourtant, le procureur général de la Libye, Abdelkader Radhouane, a donné l'ordre d'arrêter l'équipage du pétrolier. Or, il fallait une force navale pour exécuter cet ordre. Ali Zeidan a certes demandé au ministre de la Défense d'utiliser la force contre ce navire. Le chef d'état-major a répliqué toutefois qu'il relevait de l'autorité du Congrès national général, pas de celle du gouvernement. Cela donne une idée sur l'état des institutions de l'Etat en Libye. Malgré toute cette gabegie, le pétrolier a été arraisonné, un peu à la manière des pirates somaliens. Mais le navire a été ensuite relâché, apparemment de la même manière «somalienne». Les informations officielles prétendent qu'il a «échappé à son escorte». «Invraisemblable», se lamente Oussama Jouili, ex-ministre libyen de la Défense. La flotte libyenne dispose, selon Jouili, de la frégate Al Hani à Benghazi, capable d'affronter des navires de guerre, ainsi que des vedettes rapides porte-missiles stationnées à Tripoli. Donc, c'est la volonté qui a manqué pour stopper ce pétrolier, selon Jouili. Les rivalités s'intensifient Finalement, c'est Ali Zeidan qui a coulé suite à cette affaire de pétrolier nord-coréen. L'Alliance des forces nationales ne pouvant plus continuer à le défendre. Avec le départ de Zeidan, se pose avec acuité le problème de l'avenir de la Libye. Le politologue Ahmed Drid, doyen de la faculté de droit de Ghariane, pense que «face à cette absence de toute légitimité réelle, le CGN est appelé à amender sa feuille de route, selon les recommandations de la commission d'experts, et aller vers des élections anticipées d'un Parlement et d'un président de la République». «Le pays ne peut pas attendre l'adoption d'une Constitution, soit près de six mois», souligne l'expert. Sur le terrain, la rivalité bat son plein entre les milices de Misrata, noyau central des forces du bouclier de la Libye (Droô Libya), et celles de Zentane, colonne vertébrale du bataillon 32 de l'armée libyenne. La Libye n'a pas de véritable armée, explique la journaliste et militante de la société civile, Fatma Ghandur, il n'y a que les troupes de Misrata et Zentane. «L'autorité de l'Etat est concentrée entre les mains des milices tribales», poursuit-elle. «C'est ce qui explique le départ de Ali Zeidan de l'aéroport de Tripoli malgré l'interdiction de voyage qui le frappe», conclut-elle. En effet, selon les informations parvenant de La Valette, l'ancien chef de gouvernement libyen, Ali Zeidan, a transité, mardi soir, par Malte pour aller en Europe. Au cours de son passage, il a eu un court entretien à l'aéroport avec le chef du gouvernement maltais, Joseph Muscat. «En l'absence d'un pouvoir central fort et d'une armée bien structurée, avec un Congrès national général, dont la légitimité est contestée, sans Premier ministre attitré, sans parler des tentations fédéralistes déclarées, la Libye se porte certes très mal», résume ainsi l'universitaire Abdelkader Kadora la crise libyenne. «Les perspectives sont, certes, floues, mais nous parviendrons à éviter la guerre civile», estime-t-il, en rappelant que «la Libye a traversé des moments plus difficiles et s'en est sortie».