Economiste, ancien ministre de l'Habitat (1988-1989), M. Benmatti éclaire les lecteurs d'El Watan sur l'ouvrage collectif Méditerrapaix qui vient de paraître. -Nous sommes curieux de la parution de votre ouvrage, au moment où les Algériens s'apprêtent à se rendre aux urnes pour élire leur président de la République ? Depuis quelques années, je me consacre à la région méditerranéenne par mes conférences et mes publications. A Beyrouth, Istanbul, Tunis, Grasse (France), mais aussi en Algérie, particulièrement à Constantine, ma ville natale. J'apporte ma contribution pour une meilleure compréhension des événements qui concernent les pays du pourtour de la «grande bleue». Pendant plusieurs décennies j'ai participé intensément à la vie économique et politique en Algérie en assumant des responsabilités diverses dans le secteur de la construction, en dirigeant des entreprises ou des structures ministérielles, en enseignant l'économie urbaine à l'ENA, en publiant un ouvrage sur l'habitat et en étant secrétaire général de l'Union des sociologues et économistes algériens. Aujourd'hui, je n'ai aucun projet personnel sur le plan politique, mon seul souhait est que l'élection présidentielle du 17 avril 2014 se déroule dans la transparence et le calme. -Economiste, ancien ministre algérien, vous venez de vous illustrer à travers la publication d'un nouvel ouvrage fort intéressant pour les peuples de la Méditerranée. Votre vision est méditerranéenne certes, les citoyens méditerranéens sont préoccupés par leurs crises internes respectives. Dans quelle mesure allez-vous sensibiliser ces peuples et leurs dirigeants ? Méditerrapaix, l'ouvrage collectif que j'ai conçu et dirigé avec la collaboration de 15 spécialistes et la participation de 24 jeunes de différents pays de la Méditerranée a un objectif pédagogique. Il présente des textes «lisibles», en se projetant vers l'avenir sans ignorer l'histoire de cette région, en rappelant les enjeux et les défis principaux et surtout en faisant participer les jeunes. Mon souhait à travers cet ouvrage est d'apporter une petite pierre à la construction d'un monde de coopération et de paix. Nous semons des idées en espérant que les générations futures puissent faire des récoltes fructueuses. -Dans votre ouvrage, le fait que vous donniez la parole aux jeunes des différents pays de la Méditerranée nous paraît inédit. Certains pensent que ce n'est qu'une réflexion et une aspiration qui resteront virtuelles, d'autant plus que de nombreux pays vivent des événements douloureux, la situation de quelques pays est chaotique... Quand une action va dans le bon sens elle n'est jamais inutile. Certes, elle peut être insuffisante ou virtuelle, mais elle a le mérite d'exister. Diverses propositions sont soumises à la réflexion. A titre d'exemple, dans le texte que j'ai présenté sur l'UPM (Union pour la Méditerranée), j'avance trois idées concrètes : la mise en place au sein de l'UPM d'une structure opérationnelle ne comprenant que les pays méditerranéens, la mise en place d'une institution financière méditerranéenne spécialisée dans «la couverture des risques» et l'accroissement de l'aide au développement des sociétés civiles. Avec les progrès extraordinaires des réseaux sociaux électroniques, je crois au développement du pouvoir des sociétés civiles dans chaque pays et aux relations qu'elles entretiennent entre elles. Elles constituent de plus en plus un pouvoir avec lequel les acteurs traditionnels de la vie politique devront apprendre à négocier. -Votre avis sur la situation actuelle que traverse notre pays à la veille de cette élection présidentielle... De quelle manière notre pays peut-il éviter toutes ces tensions et reprendre le chemin de son développement social, économique, culturel et écologique ? La démocratie est un long apprentissage. Elle ne s'octroie pas, elle s'arrache et se mérite. En théorie, la réponse à votre question est simple. En pratiquant la langue de bois, je vous répondrais que c'est grâce à la transparence des pratiques politiques, à la lutte contre toutes les formes d'injustice, dont la corruption est la pire, à la pratique de la transparence et à la conviction que les intérêts individuels passent après l'intérêt national, qu'il est possible d'envisager les améliorations souhaitées. En réalité, c'est le jeu des rapports de force entre les détenteurs du pouvoir réel qui est déterminant. Je souhaite profondément que les Algériens qui ont beaucoup souffert des luttes fratricides sauront dans un élan patriotique trouver le chemin de la réconciliation et de la mobilisation pour répondre aux défis du développement économique et social. Dans ce sens, deux institutions peuvent et doivent avoir un rôle essentiel : les médias et la maison de l'éducation.