Bernard Kouchner, en visite d'une journée hier, n'a pas remis d'invitation au président de la République pour assister au sommet du 13 juillet 2008 sur l'Union pour la Méditerranée (UPM) prévu à Paris. Mais le chef de la diplomatie française a, pendant trois heures et demie, évoqué cette question avec Abdelaziz Bouteflika. « L'invitation n'a pas encore été envoyée. Le Président a confirmé son intérêt dès le premier jour où nous avons parlé de l'Union de la Méditerranée devenue UPM. Nous avons approfondi les questions qu'il soulevait. Les invitations seront lancées (...) Je suis heureux d'entendre le président Bouteflika dire que nous vous amenons l'Afrique. Nous, on vous apporte l'Europe », a précisé le ministre français des Affaires étrangères, lors d'une conférence de presse au salon d'honneur de l'aéroport international d'Alger, une rencontre décidée à la dernière minute. Selon lui, tous les pays seront invités à la rencontre de Paris. Rencontre qui sera sanctionnée par une déclaration commune, un texte au stade brouillon. « Nous ne publierons rien avant que nos amis algériens et autres viennent apporter leur pierre, critiquer pour que la déclaration soit commune. Ce n'est pas une affaire venue du Nord qui serait comme une action humanitaire envers le Sud. C'est une action concertée pour qu'il y ait un pont entre deux cultures, entre des gens qui se connaissent, qui se sont souvent heurtés dans l'histoire et qui entendent participer à la mondialisation d'une façon positive », a soutenu M. Kouchner. Présent, Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, a estimé que le projet de l'UPM a évolué depuis les deux visites du président Nicolas Sarkzoy en Algérie en 2007. Un projet qui, selon lui, mérite toute l'attention. « Il est porteur de valeur ajoutée puisqu'il a pour objectif de lancer des projets concrets à caractère plurilatéral. Des pistes sont ouvertes pour identifier ces projets qui vont être gérés d'une manière paritaire entre les pays du nord et du sud de la Méditerranée », a-t-il déclaré. Réplique rapide de Bernard Kouchner : « Oui, nous avons évolué mais nous n'avons pas changé d'idée. Nous demeurons attachés à l'idée originelle. C'est-à-dire que le Sud participe au moins autant que le Nord aux projets, à leur mise en place, à la réflexion politique comme à l'action pratique. » « Hypothèses changeantes » Il espère que tout sera réglé lors de la réunion du 13 juillet. D'après lui, les dispositions ne sont pas encore arrêtées pour créer un secrétariat à l'UPM. D'après M. Medelci, le secrétariat technique aura à « coordonner et promouvoir » les projets. Une chose est sûre : l'UPM aura une co-présidence assurée par le Sud et le Nord. L'Egypte demande à prendre la vice-présidence future de l'UPM. « Il est question de cela. La France aura la présidence de l'UPM. Le reste n'est pas encore arrêté. Nous en sommes à des hypothèses qui seront changeantes. Par exemple, la vice-présidence de l'Union ne sera que pour deux ans. Il faut que tout le monde participe (...) S'il n'y a pas de projet, cette Union ne marchera pas. Cela sera une construction bureaucratico-politique », a précisé le chef de la diplomatie français. Selon lui, les relations avec le Maghreb commencent avec l'Algérie. « J'attends une participation de l'Algérie parce que c'est un pays essentiel. Il y a déjà des projets algériens (...) Nous sommes en discussions permanentes avec l'Algérie pour que l'encadrement et la conception de l'UPM soient réalisés ensemble », a-t-il ajouté, annonçant que son département a réuni à Paris des opérateurs privés algériens et français pour dégager des initiatives communes. « Sans préjuger des décisions qui seront prises, elles passeront par le filtre de la coordination bilatérale, mais également régionale », a précisé M. Medelci. Il a rappelé que l'Algérie est associée à l'Union européenne (UE) avec un accord, qu'elle est membre de la Ligue arabe, de l'Union du Maghreb arabe (UMA) et du Forum méditerranéen. A tous ces niveaux, il est, selon lui, prévu des réunions qui permettront d'apporter les réponses appropriées. A une question sur la présence d'Israël à l'UPM, Mourad Medelci a indiqué que le processus euroméditerranéen de Barcelone (lancée en 1995) n'a pas imposé une normalisation avec ce pays. L'ALGERIE N'A PAS ADHERE À LA POLITIQUE DE VOISINAGE « L'UPM est un projet économique et social. Il doit rester dans ce cadre », a-t-il précisé. « Nous ne prétendons pas régler les problèmes politiques à travers l'UPM. Ne soyez pas plus Palestinien que les Palestiniens. J'espère qu'il y aura un jour, et dans un avenir proche, une nation, un Etat palestinien », a indiqué M. Kouchner, avant d'ajouter : « Le peuple palestinien me dit tous les jours merci parce que j'interviens à Ghaza. J'ai travaillé dans tous les hôpitaux de Cisjordanie. Ne pensez pas que nous soyons intéressés que par la Birmanie ou le Tibet. » Il a rappelé que la France est impliquée dans le processus de paix. « Nous attendons beaucoup de la prochaine réunion entre les secteurs privés palestinien et israélien. Nous y travaillons parce qu'il y a un suivi de la conférence de Paris qui a dégagé sept milliards de dollars pour les Palestiniens », a-t-il appuyé. Il a indiqué que son pays souhaite la fin du conflit du Sahara occidental à travers le dialogue et pas l'affrontement. « C'est une affaire entre le Polisario et le Maroc. L'Algérie est proche de cette affaire. La proposition marocaine constitue un progrès. Si c'est suffisant, j'en serai content (...) Un jour, ce problème aura une fin, une solution de paix. Le problème de Chypre est encore plus ancien », a-t-il précisé. L'Algérie s'est-elle opposée au désarmement du Hezbollah libanais ? Mourad Medelci a démenti cette information qui a fait le tour des rédactions arabes hier. « Nous avons dénoncé la violence d'où qu'elle vienne. C'est une résolution de la Ligue arabe. Nous avons créé un comité de sept pays, dont l'Algérie, qui se déplacera au Liban pour aider à rétablir la stabilité du pays », a-t-il répondu.Le chef de la diplomatie algérienne a assisté à une conférence des ministres arabes des Affaires étrangères sur le Liban. La situation au Liban a été abordée lors des discussions entre Abdelaziz Bouteflika et Bernard Kouchner. A une question sur la libre circulation des personnes, le ministre français a précisé que Paris privilégie une approche européenne à cet aspect. M. Medelci a précisé, pour sa part, que l'Algérie n'a pas adhéré à la Politique européenne de voisinage (PEV). « L'Algérie n'a pas donné de réponse à cette politique. Lorsqu'elle le fera, elle le fera directement et officiellement », a-t-il indiqué. Dernièrement, une porte-parole de la Commission européenne a annoncé à des journalistes algériens que Alger avait adhéré à la PEV. Bernard Kouchner a dit de bonnes choses sur son troisième déplacement en Algérie. « Une visite fructueuse, riche d'enseignements. Je n'ose pas dire que c'est une visite réussie, mais c'est ce que je pense », a-t-il dit. Il a annoncé la visite prochaine du Premier ministre, François Fillon, (probablement le 6 juin 2008) et de Jean-Louis Borloo, ministre de l'Ecologie, de l'Energie et du Développement durable. Karim Djoudi, ministre des Finances, va, de son côté, se déplacer bientôt à Paris. Il s'agit de la deuxième visite en moins d'une année. M. Medelci n'a pas manqué de parler « d'échange impressionnant » de visites ministérielles et de la mise en pratique de la Convention de partenariat signée entre les deux pays en décembre 2007. II a souhaité un engagement plus fort des investisseurs français en Algérie.