A une quarantaine d'heures de la fin officielle de la campagne électorale, les six candidats à l'élection présidentielle jouent des coudes. Les prétendants à la magistrature suprême jouent leurs va-tout et dans cette bataille à armes inégales, le sprint final sera plus éprouvant. Incapable de se présenter lui-même devant les électeurs, Abdelaziz Bouteflika a été, malgré lui, l'attraction de cette campagne électorale inédite. Le chef de l'Etat sortant, affaibli par la maladie et presque aphone, a compté sur des hommes de pouvoir pour mener une des batailles les plus insolites de l'histoire de l'humanité. Et malgré leur statut d'obligés, Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal et les autres chefs de parti qui soutiennent le chef de l'Etat ont fait face à une hostilité populaire jamais égalée. A Béjaïa, Ouargla, Tizi Ouzou ou Ghardaïa, la campagne du candidat Bouteflika a vacillé à plusieurs reprises. Malgré les renforts de tous les appareils de l'Etat, les couacs sont énormes et en l'espace d'une campagne, Abdelaziz Bouteflika a dû comprendre que ce n'est pas vraiment le peuple qui l'a appelé à rempiler pour un nouveau mandat qui se joue finalement dans les hors-jeu. Pour le sprint final, le directeur de campagne de Bouteflika, Abdelmalek Sellal, animera un meeting dans la capitale. Or, comme partout, cette rencontre populaire s'avère presque inutile puisque, deux jours auparavant, le chef de l'Etat avait pris une décision – une de plus – très populaire. Il a décidé, en pleine campagne électorale, de réduire la durée du service national à douze mois au lieu d'une année et demie actuellement. De quoi énerver les adversaires. Présenté comme un sérieux rival du président sortant, Ali Benflis a mené une campagne sereine. Il a battu les records de présence populaire dans les meetings et a aussi bénéficié d'une couverture médiatique plus large. Mais l'ancien Premier ministre, qui est le seul à pouvoir animer des meetings dans toutes les wilayas de la République, crie déjà à la fraude. «La fraude est mon seul ennemi», répète-t-il à l'envi. Cela ne le dissuade pas d'aller jusqu'au bout et d'animer des meetings dans la capitale les deux derniers jours de la campagne. Pour le reste, le candidat, qui a servi de parfait lièvre lors de l'élection de 2004, compte sur un sursaut populaire lors du scrutin présidentiel. «Défendez vos voix», crie l'homme, qui avait promis en 2004, sans passer à l'acte, une révolte à l'ukrainienne. On dit que cette fois-ci, il ne se laissera pas faire. «Mes partisans disent que si leurs voix sont volées, ils ne se tairont pas», dit-il. Que fera-t-il alors le soir du 17 avril ? La réponse à cette question est très hypothétique. Cette date, pourtant proche, paraît lointaine en vue de l'accélération des événements. La fraude, encore et toujours. Dans ce nouveau duel qui compte pourtant six concurrents, Louisa Hanoune joue les intermittents. Elle fait le tour du pays, harangue les foules et alerte sur un danger extérieur qui menacerait l'Algérie. Comme Ali Benflis, la secrétaire général du Parti des travailleurs, qui gagne assurément des points étant la seule candidate «idéologique», crie à la fraude. Cependant, contrairement à l'ancien Premier ministre qu'elle attaque sans ménagement, Mme Hanoune attribue les velléités de fraude à l'entourage du chef de l'Etat et à la mafia. Elle épargne donc le principal artisan de cette course à la Présidence à vie. A ce stade de la campagne électorale, seul un candidat menace de se retirer. S'il fait comme tout le monde en réservant sa dernière journée de campagne à la capitale, Moussa Touati, qui est à sa troisième candidature, est le seul qui menace de se retirer. Il estime que la fraude est déjà là. Pourtant, comme Ali Fawzi Rebaïne, il conteste l'arbitre mais joue le match jusqu'au sifflet final. Et le résultat passe. Seul phénomène de cette élection : le plus jeune des candidats à l'élection présidentielle, Abdelaziz Belaïd, sait qu'il joue pour l'avenir. Il assure qu'il «sera président» mais fait semblant de ne pas actionner le clairon de la défaite avant d'aller à la bataille. L'ancien secrétaire général de l'Union nationale de la jeunesse algérienne (UNJA, appendice du FLN) connaît très bien le système pour ne pas se faire trop d'illusions. Mais lui, au moins, il a le temps.