Rachid Nekkaz ne doute de rien. A 34 printemps, il se porte candidat pour succéder à Jacques Chirac. D'origine algérienne, il se voit rassembleur et prône « l'union des meilleurs ». Il veut réconcilier ses deux pays, la France et l'Algérie. Vous prônez un gouvernement d'Union nationale, à la CDU/SPD en Allemagne. Croyez-vous que cela soit possible en France ? Depuis 30 ans, le centre, la gauche et la droite ont successivement et séparément exercé le pouvoir en France. Le bilan est catastrophique : 2000 milliards d'euros de dettes, 2,5 millions de chômeurs, un village sur deux sans aucun service public. Pour résoudre ces problèmes profonds qui sapent le moral des Français, je propose la mise en place d'un gouvernement d'union nationale. Ce n'est pas une utopie, c'est une nécessité si nous voulons que la France retrouve sa place dans le concert des nations. En 1945, après la Seconde Guerre mondiale, le général de Gaulle avait réussi cet exploit pour reconstruire la France. Aujourd'hui, pour remettre la France sur pied, seule l'union des meilleurs, et ce, quel que soit le camp politique auquel chacun appartient, pourra honorer cette mission. La coalition forcée en Allemagne avec la CDU et le SPD est la démonstration que c'est possible. Pour y arriver en France, trois conditions sont nécessaires : une situation de crise politique majeure, c'est le cas depuis le 21 avril 2002. Un désaveu des Français par rapport à la politique, 17 millions de Français ne votent plus. Et un homme politique nouveau qui n'a pas peur, à l'abri des manigances, des partis, qui a de la volonté et de l'audace politique, autant de qualités dont est privée l'élite politique française actuelle. C'est humblement le rôle que je m'assigne pendant cette campagne électorale. Si l'on prend le thème de l'immigration. êtes-vous proche de Nicolas Sarkozy ou de Laurent Fabius qui veut régulariser tous les sans-papiers ? Si je suis élu en mai 2007, je proposerai à tous les étrangers qui le souhaitent et qui vivent en France depuis 10 ans d'obtenir la nationalité française dans un délai maximal de 12 mois sans avoir à justifier de leur situation sociale. Quant aux étrangers qui ne souhaitent pas devenir français, ou ceux vivant en France depuis moins de 10 ans, je leur accorderai un droit d'avis consultatif à toutes les élections de façon à les faire participer à la vie démocratique du pays. Concernant les sans-papiers, je propose de les régulariser en leur donnant un titre de séjour d'un an renouvelable 4 fois. Au terme de ces 5 années passées en France, ils devront rentrer dans leur pays d'origine. La France les aidera, bien sûr, à réussir leur retour, notamment grâce à des partenariats entre des entreprises françaises et des pays d'origine. Au sujet des visas, la France accordera des visas long séjour au prorata des personnes (sans-papiers régularisés) qui quitteront la France. C'est une politique à la fois pragmatique, juste et responsable qui se fonde sur les principes de la démocratie et sur la réalité de terrain, loin des calculs électoraux. C'est la première fois qu'un candidat à la présidentielle est d'origine nord-africaine, algérienne plus précisément. Pensez-vous que l'opinion française soit prête quant à votre candidature ? Je suis fier d'être le premier Français d'origine algérienne à être candidat à l'élection présidentielle. J'ai l'habitude de me lancer dans des projets dont on pense qu'ils sont a priori impossibles. Lorsqu'en 1998, je voulais écrire un livre-entretien avec les 7 chefs d'Etat du G7, personne ne pariait un dinar que j'allais y parvenir. D'ailleurs, à l'époque, le président Chirac avait refusé de participer au projet. Il a fallu que je contacte directement le président américain Bill Clinton, grâce à un de ses conseillers que je connaissais, pour que soudainement ce projet soit devenu possible. C'est ainsi que j'ai pu non seulement rencontrer les 7 chefs d'Etat les plus puissants de la planète mais que j'ai été reçu au sommet du G7 à Cologne, en Allemagne, le 18 juin 1999. Si je vous raconte cette histoire, c'est simplement pour démontrer qu'à chaque fois qu'un individu (sportif, inventeur ou politique) se lance un défi, il y a toujours des tonnes d'obstacles sur son passage. Mais si on a la volonté, la confiance et la foi, on finit le plus souvent par atteindre son objectif. Ainsi, je veux démontrer, par ma candidature à l'élection présidentielle, que les Algériens ont beaucoup à apporter à la France en énergie et en créativité. Les Français sont donc prêts... J'ai la chance depuis 3 ans et demi de sillonner les routes de France à la rencontre des maires et des associations. En effet, je suis le président du club des élus « Allez France » qui milite depuis 2002 pour une loi sur l'inscription automatique de tous les citoyens sur les listes électorales. 2 417 maires y sont déjà favorables. Au passage, le gouvernement français refuse toujours de voter cette loi malgré le soutien de 414 députés de toutes tendances politiques confondus (72% de l'Assemblée). C'est un véritable scandale. Cela étant dit, en faisant le tour de France, je crois avoir réussi à donner une image positive des Français d'origine étrangère, en général, et d'origine algérienne, en particulier. Si j'ai réussi à convaincre 2 417 maires, pourquoi pas convaincre 51% des Français le 6 mai 2007 ? Je crois que les Français seront prêts en 2007 à élire un homme nouveau qui aime la France et qui leur inspire confiance. Voici mon véritable challenge et mon ambition. Où en êtes-vous dans la collecte des 500 signatures indispensables ? A ce jour, 213 maires de campagne soutiennent ma candidature à l'Elysée. J'ai bon espoir d'obtenir les 500 signatures nécessaires à la candidature officielle à la fin du mois de novembre 2006 lors du salon des maires à Paris. Les relations franco-algériennes passent par de grandes zones de turbulences. Y a-t-il, selon vous, un moyen de dépassionner ces relations et de signer, enfin, le pacte d'amitié ? Je regrette que les relations franco-algériennes ne soient pas aussi excellentes. La récente polémique soulevée par la loi sur le rôle positif de la colonisation a envenimé les relations entre mes deux pays. Au-delà de cet épisode, je considère qu'il est important pour l'Algérie et la France d'ouvrir un débat sans tabous ni préjugés sur deux siècles d'histoire commune. Les Algériens et les Français ont le devoir de regarder l'Histoire en face. Les Algériens ont besoin que la France leur fasse des excuses. Je les comprends, car c'est légitime pour un peuple qui a beaucoup souffert, d'être reconnu dans sa douleur. Au préalable, il est d'abord nécessaire que la France puisse faire de la pédagogie avec son propre peuple sur les heures sombres de son Histoire. La France n'a pas fait le travail de mémoire et d'autocritique formidables que les Etats-Unis ont déjà fait au sujet du Vietnam. C'est un travail qui exige une volonté politique, du courage et de l'empathie. Seul un homme nouveau à la tête de la France pourra regarder l'Histoire sans préjugés et avec justesse.