Confrontée à l'entêtement du pouvoir, l'opposition joue son va-tout. Les partis et personnalités politiques qui s'opposent à Abdelaziz Bouteflika se concertent et, une fois n'est pas coutume, la fédération des forces de l'opposition avance à grands pas. Avant de rencontrer, demain, Ali Benflis, la Coordination des partis de l'opposition, qui regroupe notamment les partis et personnalités ayant boycotté l'élection présidentielle, s'est réunie jeudi dernier avec l'avocat et défenseur des droits de l'homme, Ali Yahia Abdennour. Les discussions entre les deux parties ont évidemment porté sur la conférence nationale qui devrait être l'aboutissement, vers la fin du mois de mai, des efforts de ces forces qui veulent aller vers un changement pacifique du régime. Les partis et personnalités qui composent cette coordination de l'opposition ne se limitent pas aux discussions ; un avant-projet de plateforme a déjà été préparé. «Le projet est finalisé à près de 90% et n'attend que le feu vert des chefs de parti», indique Lakhdar Benkhellaf, membre du bureau du Front pour la justice et le développement (FJD). Ce dernier estime d'ailleurs que le travail avance, mais que pour étoffer la conférence nationale de l'opposition, les délais pourraient être repoussés de quelques semaines. «Je pense que la date de 17 mai est provisoire. La réunion devrait se tenir vers la fin mai», a-t-il ajouté. Les responsables des partis de l'opposition veulent se donner plus de temps pour espérer rallier un maximum de forces à leur projet. Une démarche nécessaire surtout que des partis politiques, à l'image du Front des forces socialistes (FFS), n'ont pas encore pris de décision. Le FFS, dont la direction est collégiale, fait pratiquement les mêmes propositions que la Coordination pour les libertés et la transition démocratique. Toutes les lois à refaire Avant de parvenir à la conférence nationale des forces de l'opposition, la Coordination a déjà finalisé la rédaction de son projet. Il comprend, selon des sources au fait du dossier, de grands axes qui tournent autour, notamment, des mécanismes à mettre en place afin de mener le pays vers une «vraie démocratie». La Coordination propose ainsi «une Constitution consensuelle» qui devra mener vers la révision de toutes les lois importantes qui découleront de cette Loi fondamentale. L'opposition demande également la dissolution de toutes les assemblées élues et l'organisation d'élections anticipées sur la base des nouvelles lois adoptées. Toutes ces démarches aboutiront, ajoute notre source, à une élection présidentielle anticipée. Mais «cela devra se faire dans le cadre d'une élection transparente», explique notre interlocuteur. Ce texte n'est pour l'instant qu'un avant-projet ; il ne deviendra une plateforme qu'une fois entériné par les chefs de parti et les personnalités nationales qui se réuniront mardi prochain à Alger. Cette coordination pour les libertés et la transition démocratique est composée du RCD, du FJD, du MSP, d'Ennahda, deJil Jadid et de l'ancien Premier ministre, Ahmed Benbitour ; elle a déjà rencontré des personnalités à l'image de Sid Ahmed Ghozali et Mouloud Hamrouche. Ce conglomérat soumettra au pouvoir une plateforme de sortie de crise. De l'autre côté de la barrière, c'est un autre son de cloche. Le pouvoir, par le biais de certaines personnalités, fait savoir qu'il ne veut même pas entendre parler de période de transition. «Ce sont les partis qui ont perdu l'élection qui parlent de transition. Venu de certains, ce discours est étrange, puisqu'ils ont souffert eux-mêmes de la transition», a indiqué Amar Saadani, secrétaire général du FLN, lors d'une conférence de presse, la semaine dernière. Amar Benyounès, président du MPA, estime, lui aussi, que ceux qui appellent à la transition «sont des personnes qui refusent d'ouvrir leurs yeux et de voir que le peuple a voté et qu'il y a un président qui a été élu». Pis, Benyounès lance un défi à l'opposition : «Qu'ils s'organisent alors et qu'à la prochaine élection, ils essaient de battre le pouvoir», a-t-il dit dans un entretien accordé au site TSA. Un dialogue de sourds qui annonce donc un bras de fer. En attendant, le pouvoir, lui, suit son propre agenda.