Au fil des projections, l'art fait du yoyo entre mièvreries et splendeurs... Mercredi 14 mai. Salle Lumière. La guerre entre la France et Monaco aura-t-elle lieu ? En débarquant dans son nouveau pays dont elle ignore la langue, la culture, les habitudes, elle, native de Philadelphie, Grace Kelly tombe sur le blocus décidé par le général De Gaulle contre la minuscule Principauté. Objectif : obliger Monaco à rapatrier à Paris l'argent des sociétés françaises fuyant les impôts de leur pays. C'est aussi l'histoire du film d'Olivier Dahan, Grace de Monaco, en ouverture du Festival. De peur, la crise fait claquer les dents de son mari. Elle a l'idée d'organiser un grand bal pour la Croix-Rouge et finit par régler l'affaire par son charme. Cela dit, l'autre histoire du film, c'est que l'actrice oscarisée détestait l'univers d'intrigues et de chuchotements de Monaco. Elle faillit repartir à Hollywood quand Hitchcock lui proposa le premier rôle dans Marnie. Même jour, 19h, salle Debussy. Timbuctu d'Abderrahmane Sissako. Tableau du Mali en guerre, théâtre de lapidations et de prises d'otages. Sombre écho de la terreur. Sissako avait un projet documentaire devenu vite fiction où il raconte aussi une histoire d'amour. Tombouctou est envahi par une bande de clowns tristes et sanguinaires. La population est très hostile à leur discours qui relève de la psychiatrie. Pendant ce temps, sous une tente dans les dunes, Kidane, musicien et éleveur, mène sa vie amoureuse avec sa femme Satina. Mais le jour viendra où Kidane va affronter l'inadmissible réalité. Un film très personnel, de résistance, de douleur, d'amour et de chagrin. Jeudi 15 mai, salle Bazin. Toute la presse arabe est là. Le Syrien Oussama Mohammed présente Eau argentée, très médiocre montage de séquences sur la guerre en Syrie prises sur Internet. On ne sait d'où viennent ces images, où la propagande pour les bandes rebelles prend vite le dessus. Oussama Mohammed, piètre réalisateur, mène ce combat d'arrière-garde depuis Paris. La salle s'est vite vidée. A Cannes, le programme prend parfois une mauvaise tournure. Vendredi 16 mai, 15h, séance unique à la salle Lumière du film turc Sommeil d'hiver de Nuri Bilge Ceylan. Remous à l'entrée, c'est souvent le cas pour les films à séance unique. Le film raconte un huis clos et le déchirement d'une famille. Un hôtel dans les montagnes du Cappadoce, propriété d'un acteur en retraite qui y vit avec sa jeune femme et sa sœur divorcée. Il y a du Tchékov dans cette histoire. La famille a du mal à se maintenir à flots, les rapports sont trop durs, les conflits deviennent violents. Subtile mise en scène d'un récit qui unit théâtre et cinéma. Samedi 17 mai, 8h30, salle Lumière. La vie du grand couturier natif d'Oran, Yves Saint-Laurent. Sûrement une bonne idée pour le cinéma. Le film de Bertrand Bonello ne suscite pourtant qu'indifférence et ennui. A quoi sert de focaliser sur les aspects intimes, choquants pour certains, d'un artiste qui a connu la réussite absolue ? Seul le début du film est assez correct, avec Saint-Laurent dans son atelier entouré de ses couturières, dans la fièvre d'une collection qui approche. En blouse blanche, il dessine ses modèles et règle les détails de chaque habit. Par la suite, on oublie ces mystères de la création et on a l'impression de regarder par le trou de la serrure. Dimanche 18 mai, 8h30, salle Lumière. The Homesman de Tommy Lee Jones (USA), réalisateur, scénariste, producteur et acteur. Un film d'époque (1855) dans les plaines desséchées du Nebraska. Le temps, le vent, la pluie, les couleurs du ciel rythment la vie et le travail des fermiers. Une vie dure, sans enthousiasme. Un «dur à cuire», déserteur de l'armée, décide d'aider une fermière à partir vers l'Iowa pour transporter dans son chariot des femmes malades. Un récit qui déjoue la logique des westerns. Aucune attaque de diligence. Des Indiens sympathiques se contentent d'un cheval offert. On goûte surtout l'extraordinaire beauté des paysages. Même jour, 19h, salle Debussy. Maps of the Stars du Canadien David Cronenberg. Faut-il croire le film ? Portrait sombre d'Hollywood en ville de vices, de névroses, d'incestes et de jalousies. On n'y compte pas les meurtres et suicides. On est loin de la fabrique des rêves ! Cette jungle est pourtant filmée magistralement dans des décors de rêve. S'il faut croire Cronenberg, Hollywood est rempli de gens sans âme et sans le moindre sentiment. Mais cela fait longtemps qu'on sait qu'il en veut à l'humanité toute entière. Mardi 20 mai, 16h, salle Lumière. Mille raisons d'aimer cet hymne fabuleux et attachant à la nature, au soleil, à la lune que filme Naomi Kawase (Japon) dans Still The Water, en compétition. Très proche de Bergman dans le thème des sentiments, des rapports de famille. Sur l'île d'Amami, au sud du Japon, souvent touchée par les typhons, la première scène est comme une réplique, grandeur nature, de La Grande Vague, célèbre tableau du peintre Hokusai. Puis, un lycéen découvre sur la plage le corps d'un nageur. Accident, meurtre, suicide ? Personne ne sait. Le typhon s'annonce violent et les images prises dans des conditions extrêmes sont d'une grande beauté. Vu le talent de Naomi Kawase, on lui souhaite de trouver les moyens de faire d'autres films aussi beaux à voir.