La déconfiture de la majorité gouvernementale et la victoire du Front National aux élections européennes de dimanche interpellent les autorités algériennes dans le sens où la France abrite une importante communauté nationale qui vit et travaille sereinement dans ce pays et qui a droit au respect de sa dignité et de son intégrité physique et morale. Une communauté souvent stigmatisée, montrée du doigt et accusée de tous les maux de la société française. Se préoccuper du sort des ressortissants algériens est une démarche tout à fait légitime et justifiée, voire qui relève du devoir de protection et de vigilance de la part de l'Etat algérien quand on sait qu'il y a eu des précédents et qu'il y a lieu de craindre que le parti lepéniste, conforté par son succès électoral, peut être tenté de redoubler d'arrogance et de virulence vis-à-vis des étrangers, particulièrement algériens. L'Algérie prendra-t-elle date de cet événement pour resserrer les liens avec la communauté résidant à l'étranger, particulièrement en France où elle est de quelque cinq millions de personnes (émigrés et de nationalité française) ? Bien que ce ne soit pas le cas aujourd'hui, l'Algérie avait, rappelons-le, mis un terme en 1973 à l'immigration vers la France, en réaction à la multiplication d'actes racistes et assassinats de nationaux et d'atteintes aux représentations algériennes (consulats, agence d'Air Algérie…) qui avaient pris, à l'époque, une ampleur inquiétante et inacceptable. Par ailleurs, le vote de dimanche n'appelle-t-il pas à un sursaut républicain de la part des Français ou alors sont-ils devenus racistes ? Nous avons la conviction que les Français dans leur quasi-majorité ne sont pas racistes et que le score du FN est un avertissement : à la majorité gouvernementale et au président de la République qui n'ont pas tenus les promesses pour lesquelles François Hollande s'était engagé pendant la campagne présidentielle ; et à l'opposition UMP qui a perdu sa crédibilité de par les nombreux scandales qui éclaboussent nombre de ses dirigeants. Et que face au péril que représente le FN pour la France, pour ses valeurs d'accueil et d'intégration des hommes et des femmes de toutes origines, les Français qui se sont abstenus ou ont voté FN prendront la mesure de la portée électorale de ce choix, celui de placer en tête un parti d'extrême droite, xénophobe, raciste et populiste. Les prochaines élections régionales et présidentielle fondées sur des enjeux nationaux seront un test décisif de ce ressaisissement populaire souhaité et souhaitable. La première place obtenue par le Front National (26% des voix exprimées) en fait-elle pour autant le premier parti de France, comme le proclament depuis dimanche soir Marine Le Pen et dans son sillage les médias français ? Le parti socialiste s'est totalement effondré avec 13,88% des voix seulement, son pire score lors d'élections européennes (13 sièges). Que va-t-il se passer lors des prochaines échéances électorales en France ? Comment Marine Le Pen va-t-elle capitaliser ce résultat ? La réponse est donnée par la présidente du parti elle-même qui estime qu'il faut «créer une dynamique pour la présidentielle». Plus que l'Europe et son Parlement, c'est en effet la présidentielle française de 2017 que le Front National a en point de mire. Et, désormais, la présidente du FN entend encore davantage peser sur la vie politique française. Il est certain que la donne de la politique française a changé depuis dimanche soir. Voici un avant-goût de ce qu'est le FN. Dans un «guide pratique» à usage de ses élus municipaux (paru en septembre 2013 et rendu public à l'automne dernier), le Front National (FN) leur demande de prôner la «priorité nationale» dans l'attribution des logements sociaux. Le parti de Marine Le Pen, «contrairement à l'image qu'il veut donner, ne respecte pas la loi qui interdit d'inciter à la discrimination contre les étrangers dans l'attribution de logements sociaux», a réagi l'association Maison des potes, qui a déposé une plainte jeudi pour incitation à la discrimination (Libération de samedi dernier). «A votre niveau d'élu(e) local(e), vous aurez à cœur de réclamer l'application des nombreux points du programme Front National», par exemple, «l'application de la priorité nationale dans l'accès aux logements sociaux», est-il écrit dans ce guide ? Au-delà des analyses politiciennes, c'est l'état de la société française et le fonctionnement de la démocratie française qui sont en cause. Il reste que si les résultats du FN constituent un véritable séisme politique en France, les premières victimes de son idéologie, de sa politique et de son programme exclusifs et racistes sont toutes indiquées. Ce sont les musulmans et les immigrés maghrébins, particulièrement algériens. C'est pourquoi le sursaut se doit aussi d'être algérien. A titre préventif.