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Coup de bluff et surenchères !
Rumeurs sur la création d'un nouveau «FIS»
Publié dans El Watan le 05 - 06 - 2014

L'histoire du retour du FIS est une de ces manœuvres pour donner l'illusion d'une ouverture ou d'une réelle volonté de faire du débat autour de la révision de la Constitution une solution à la crise que vit le pays.
Le jeu politique en Algérie prend des allures de jeu de poker menteur, il est fait d'enchères et de bluff. Ce qu'on nous montre n'est pas nécessairement vrai, tous les coups sont permis du moment que le pouvoir maîtrise la fin de la partie. L'histoire du retour du FIS est une de ces manœuvres pour donner l'illusion d'une ouverture ou d'une réelle volonté de faire du débat autour de la révision de la Constitution une solution à la crise que vit le pays. Que ce soit pour l'opposition ou le pouvoir, il y a comme une course à l'exhumation du cadavre politique qu'est le FIS, permettant à des ex du FIS dissous, comme El Hachemi Sahnouni ou même de l'Armée islamique du Salut (AIS), comme Madani Mezrag, de faire monter les enchères.
Conviés à la table des discussions, ces «voix autorisées» balancent à qui veut bien les entendre ce qu'ils veulent bien leur faire entendre. Après Madani Mezrag qui a annoncé une initiative d'organiser un congrès pour les cadres de l'ex-FIS, voilà que Sahnouni dit sur le plateau la chaîne de télévision Echourouk TV, dans une émission diffusée mardi soir, avoir eu vent de contacts entre le pouvoir et les cadres dirigeants de l'ex-FIS pour leur permettre de créer un nouveau parti politique. «Une information non fondée», affirme Abdelkader Boukhemkhem, ancien dirigeant du FIS dissous. «Sahnouni n'est même pas habilité à parler au nom du FIS», précise notre interlocuteur contacté hier par téléphone. «Il n'y a eu ni contact ni aucun signe allant dans ce sens. Il s'agit là de paroles destinées à la consommation rapide», indique l'ex-dirigeant du parti dissous en notant que Sahnouni peut s'exprimer à sa guise mais pas au nom du FIS. «Nul n'a le droit de parler au nom du FIS en dehors de sa direction historique qui est connue», dit-il.
Concernant les consultations sur la révision de la Constitution auxquelles il a été convié il dira : «La démarche du pouvoir est une fuite en avant au lieu de faire face à la réalité dont souffre le peuple algérien.» Quelle mouche a donc piqué Sahnouni pour annoncer une possibilité de retour des anciens dirigeants du parti dissous à la vie politique en créant une nouvelle formation ? Une volonté de sa part de participer au jeu des enchères servi sur la scène politique comme bouffonnerie ou est-il une voix autorisée de cercles du pouvoir qui agitent l'épouvantail du FIS pour étouffer tout véritable questionnement sur comment une réelle transition démocratique doit se faire ? Le round des discussions autour de la révision constitutionnelle est parti pour agiter faussement une scène politique en attendant le mois de Ramadhan.
Maître Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme, a estimé que parler aujourd'hui de création d'un parti par les ex-FIS est prématuré. «Je ne sais s'ils pourront ou pas, puisqu'il ne m'appartient pas de trancher sur cette question, mais d'un point de vue juridique les dispositions contenues dans le texte de la charte portant paix et réconciliation nationale adopté en septembre 2005, les excluent du champ politique et les empêchent de reprendre l'activité politique sous quelque dénomination que ce soit», précise Me Ksentini. Notre interlocuteur estime qu'il faudra attendre ce qui adviendra de la révision de la Constitution. «Dans les amendements présentés pour la révision de la Constitution, il est écrit que la réconciliation nationale sera retenue comme constante nationale, c'est-à-dire que le texte de la charte portant paix et réconciliation nationale deviendra intouchable et plus susceptible de modification» explique le juriste et président de la CNCPPDH.
Ceci et de noter que dans le cas où le caractère de constante nationale est retenu pour la réconciliation nationale dans la prochaine Constitution, il sera interdit aux ex-FIS d'avoir une activité politique conformément aux dispositions de la charte. «Si par contre cet amendement n'est pas retenu, à ce moment-là le champ politique leur sera ouvert», dit-il en ne cachant pas que cette question est «complexe et délicate».
Une preuve encore, si besoin, de l'échec de la politique du tout-sécuritaire adoptée durant la décennie noire. Le contentieux politique reste toujours ouvert et la crise perdure et le pouvoir n'accepte pas d'adopter une solution viable et durable.
Prenant en otage tout un peuple en voulant imposer une bipolarité pouvoir–islamistes, les décideurs jouent avec l'avenir du pays comme ils se sont joués de son passé.


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