Mahfoud Boucebci, professeur et éminent psychiatre, avait à peine 56 ans lorsqu'il a été poignardé à l'entrée de l'hôpital Drid Hocine, à Alger, où il exerçait en tant que médecin-chef. C'était le 15 juin 1993. En cette journée de mardi, cet universitaire émérite, très proche des couches les plus vulnérables de la société, comme les mères célibataires, les démunis et les enfants, n'a à aucun moment pensé que les deux jeunes qui guettaient son arrivée à l'entrée de l'hôpital allaient mettre fin à une vie qu'il a consacrée à la psychiatrie. Mortellement touché, il décède en laissant derrière lui une veuve et trois enfants mais aussi une communauté d'universitaires, de chercheurs, ainsi que des malades inconsolables. Il fait partie de cette longue liste d'intellectuels assassinés par le terrorisme islamiste dès le début de l'année 1993. Né en 1937, il a acquis une stature scientifique et médicale reconnue aussi bien en Algérie qu'à l'étranger où il a été publié dans une quarantaine de revues internationales, il rejoint, dès 1985, la première Ligue algérienne des droits de l'homme et mène un combat sans merci pour les droits des femmes, des mères célibataires, des adolescents et des marginaux. Il était également membre fondateur du Comité de vérité sur l'assassinat du journaliste et écrivain Tahar Djaout, qui avait ouvert la liste des victimes des hordes terroristes un 26 mai 1993, lorsqu'il a été mortellement blessé, et est décédé le 2 juin de la même année. Sur cette liste, Boucebci occupe la cinquième place, après Djilali Lyabès, ancien ministre de l'Enseignement supérieur, Laâdi Flici, médecin et écrivain, Hafid Sanhadri, chef de cabinet au ministère de la Formation professionnelle et Tahar Djaout. Aujourd'hui, il est considéré comme étant l'un des fondateurs de la psychiatrie algérienne, qui a eu à présider la Société algérienne de psychiatrie et occupé le poste de vice-président de la Société internationale de psychiatrie de l'enfant et l'adolescent. Il a formé plusieurs générations de psychiatres algériens et pris part activement à la formation de médecins, de psychologues, du personnel paramédical et d'éducateurs que réclamait son pays. Une année après son assassinat, une fondation qui porte son nom a été créée dans le but de pérenniser sa mémoire et son travail dans le domaine de la santé mentale, stimuler et animer des actions d'information, de formation et de recherche dans le domaine médical, psychologique, socio-éducatif et culturel. Samedi dernier, la Fondation a rendu hommage au défunt à travers un colloque sur l'enfance abandonnée et avec la collaboration de l'Association algérienne enfance et familles d'accueil bénévoles (AAEFAB), comme indiqué dans l'article consacré à ce sujet, paru dans notre édition d'hier. Une cérémonie de recueillement à la mémoire du psychiatre a été organisée dimanche dernier à l'hôpital Drid Hocine, à Alger. Comme chaque année, cette commémoration est certes symbolique mais ô combien révélatrice d'un combat de la communauté du défunt pour que son sacrifice ne soit pas vain.