Les représentants de pas moins de huit organisations estudiantines ont apporté, dimanche, leurs propositions pour le projet de la révision constitutionnelle. Reçus par le ministre d'Etat, directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, les «patrons» de ces associations ont chichement présenté leurs «avis» devant les caméras de télévision. Avec une langue de bois digne des caciques du parti unique — d'ailleurs, bizarrement, la majorité d'entre eux donne plus l'air d'être des instituteurs du premiers cycle primaire des années 1980 que de réels étudiants de l'an 2014 —, ils récitent quasiment les mêmes propositions des partis politiques qui gravitent autour du pouvoir. Ainsi, ils reprennent à leur compte la Constitution consensuelle, la création d'un poste de vice-Président, l'inscription de la réconciliation nationale dans le préambule de la Constitution et la criminalisation de l'acte de corruption. Mais est-ce étonnant de la part d'organisations rivales sur le terrain universitaire qui ont scellé une alliance politique conjoncturelle pour soutenir la candidature du Président réélu lors de la campagne électorale ? En mars 2014, UNEA, UGEL, LNEA, UGEA, ONEA, AREN, SNE, ONSE se sont ligués dans ce qu'ils ont appelé le «Mouvement national estudiantin pour soutenir la candidature d'Abdelaziz Bouteflika». Quasi absents des crises qui secouent périodiquement les établissements universitaires, laissant les étudiants sans réel porte-voix recourir souvent à la violence pour exprimer leurs doléances, ces organismes sont devenus des faire-valoir «politiques». Pour revenir aux propositions pour la révision de la Constitution, les huit organisations estudiantines revendiquent la création d'un Conseil de la jeunesse pour «une meilleure prise en charge des problèmes de la jeunesse et un meilleur accompagnement des jeunes dans différents domaines», rapporte l'APS. Ils réclament aussi, toujours selon l'agence officielle, l'institutionnalisation de l'Université. Est-ce étonnant ? Pas forcément avec la logique du moment. Si la réconciliation nationale peut figurer dans une Constitution, pourquoi ne pas faire alors de l'accès à l'Université un droit ? La démocratisation de l'éducation et de l'enseignement supérieur, actes honorables au départ s'étant soldés par la clochardisation des deux secteurs par défaut de légitimité, a fait naître chez la jeunesse algérienne ce sentiment d'avoir droit au diplôme. On l'a bien constaté lors du bac 2013 où les candidats manifestaient pour avoir droit au fameux seuil de révision ou même pour la levée de sanctions contre les tricheurs. Donc, la logique suit son cours. A défaut de revendiquer un enseignement de qualité, une recherche scientifique à la pointe des exigences et un mode de fonctionnement «démocratique» des établissements universitaires, il est plus aisé de faire de cette université un espace de formatage du plus grand nombre d'Algériens. L'Université algérienne a besoin d'un véritable plan Marshall pour ne plus figurer parmi les établissements d'enseignement supérieur les moins cotés dans le monde et même en Afrique. Elle a besoin d'une vision idéologique et d'un profond curage. Il faut que cette Université sorte maintenant de la gestion des flux à la formation de qualité. Et cette démarche nécessite d'abord une gestion administrative et pédagogique dont les valeurs soient éloignées de celle pratiquée dans les autres secteurs et qui est basée sur l'allégeance, l'opportunisme et la gabegie. Commencer dès à présent et d'abord à l'Université à faire valoir le mérite pour accéder aux privilèges. C'est le mérite, le sérieux et l'honnêteté qui doivent alors être institutionnalisés et pas l'Université. Mais il faut commencer par faire en sorte que les étudiants soient réellement représentés par des «parrains» légitimes et désintéressés.