Toute la France retient son souffle. Zidane et ses coéquipiers affronteront ce soir les Italiens en finale de la Coupe du monde. Seulement voilà, la France ne vibre plus pour une équipe censée symboliser une France Black-Blanc-Beur. Elle applaudit juste une équipe de football. Et Zinedine Zidane. Zidane n'est plus français, il a cessé d'être algérien depuis longtemps, malgré (ou à cause) de ses œuvres de charité. Il est dans un autre univers. Un djinn du football, un magicien que les frontières d'un pays ne sauraient enfermer. Il y a eu Maradona, puis Zidane. Les deux joueurs ne sont pas seulement de grands joueurs mais possèdent ce je-ne-sais-quoi qui distingue les génies des autres excellents joueurs. La France, donc, apeurée, déprimée par les révoltes des banlieues, angoissée par des discours xénophobes, matraquée par le chantage sécuritaire, applaudit les Bleus, mais ne rêve plus d'une autre France. Les Tricolores redeviennent une équipe comme les autres. Contrairement à 1998, cette fois-ci l'utopie a cédé le pas au réalisme. Il y a une forme de cynisme dans la France de 2006. Zidane est partout, les Bleus nulle part. L'enfant de Marseille est présent dans les médias, la pub, dans la bouche des enfants et des adultes. Dans le cœur des femmes. Paradoxalement, hormis la parenthèse 2002, où les Bleus sont sortis par la petite porte, la France ne semble pas s'aimer avec conviction. Elle a perdu confiance en elle-même. C'est sans illusion qu'elle porte aux nues l'actuel onze national. Elle est en train de dire adieu à son rêve cosmopolite. Les différences ne sont plus jugées comme un atout, mais un handicap. Plusieurs hommes politiques et même un philosophe qui officie sur une radio communautaire expriment tout haut leur désir d'une équipe plus javellisée. Moins de Noirs et d'Arabes. C'est cette France qui risque de succéder à celle de Zizou. Zinedine Zidane nous manquera énormément. Thuram aussi.