Après un samedi officiel à Alger, François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste français (PS) a rencontré hier des représentants de l'opposition. Au siège du FFS, il a discuté avec des responsables du parti, comme Ali Laskri, Karim Tabou, Abderrahmane Aïssat, Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du FLN, Ali Lemdani du Cnapest, Dalila Taleb du mouvement associatif et des journalistes, dont Abed Charef. François Hollande, qui pourrait être candidat à la présidentielle en France en 2007 et qui a été invité par le FLN à Alger, a estimé que la stabilité du pays pourrait profiter au régime. « Il sera tenté de se renforcer davantage », a-t-il déclaré. Il n'a pas caché ses craintes que la future Constitution aura des retombées négatives sur le pluralisme. Le président Bouteflika a annoncé qu'il allait soumettre à référendum une nouvelle constitution, celle qui consacrera le retour aux mandats présidentiels sans limite. Soulignant « les relations privilégiées » avec le FFS, François Hollande a annoncé que la demande du FLN de réintégrer l'Internationale Socialiste (IS) sera étudiée par le comité d'éthique du PS. Des conditions seront éventuellement posées pour soutenir cette demande. Le retour du FLN à l'IS ne sera pas possible sans l'accord explicite du FFS, qui y siège depuis longtemps. Abdelhamid Mehri, qui a été, pour un temps, ambassadeur d'Algérie à Paris, a déclaré que la vérité historique n'est pas un handicap pour de bonnes relations entre les deux pays. Il a critiqué « l'américanisation » de la politique extérieure de la France. Il a cité l'exemple des pressions exercées sur le Hamas palestinien et l'alignement sur les thèses anti-iraniennes à propos du dossier nucléaire. Abdelahamid Mehri a également soulevé la question des visas Schengen. « Il faut sortir de la gestion sécuritaire des visas. Il s'agit d'un problème humain, politique... », a-t-il dit. Il a évoqué la question des archives entreposées en France, dont l'accès est difficile pour les chercheurs et historiens algériens. Ali Lemdani du Cnapest a soulevé le problème des atteintes répétées aux libertés syndicales dans le pays. « Le mouvement social est en marche en Algérie. Il est pris en charge uniquement par les syndicats autonomes », a-t-il appuyé. Il s'est excusé de ne pas assister à la rencontre. « Je suis convoqué pour un procès », a-t-il annoncé. « Alger, territoire occupé » Plusieurs membres du Cnapest sont sous contrôle judiciaire. Ils sont obligés de se présenter au tribunal tous les quinze jours. Les passeports des syndicalistes ont été confisqués. « Il y a en Algérie une démocratie de façade. Il n'existe pas de débat libre. La Constitution n'est pas appliquée. A quoi sert de la réviser ? », s'est interrogé Abed Charef. Il a remarqué que le Conseil de la nation, qui a apporté son soutien au projet de la nouvelle Constitution de Abdelaziz Bouteflika et du FLN, s'est comporté comme... « une organisation de masse ». « Il soutient le projet sans avoir lu le contenu du projet », a-t-il ironisé. Abed Charef s'est interrogé sur l'attitude de la gauche européenne par rapport à des régimes non démocratiques du Sud, comme ceux du Maghreb. « On ne peut pas construire une entité régionale sans démocratie », a-t-il relevé. Dalila Taleb a appelé à lever le voile sur « le vécu difficile des Algériens ». « Le mouvement associatif ne peut se regrouper sans autorisation imposée par l'état d'urgence. Et pour être aidé, il faut prendre des positions politiques et soutenir Bouteflika, par exemple », a-t-elle dit. Karim Tabou du FFS a dénoncé l'interdit imposé à l'opposition de ne pas utiliser les rues d'Alger pour manifester. « La capitale ressemble presque à un territoire occupé par les autorités », a-t-il observé. En vertu de l'état d'urgence, en vigueur dans le pays depuis 1992 et reconduit sans l'aval du Parlement, et d'un arrêté du ministère de l'Intérieur, les manifestations publiques sont interdites à Alger et dans d'autres villes du pays. François Hollande, qui était accompagné de Pierre Moscovici du secrétariat international du PS et du député Kader Arif, a annoncé son « soutien fort » aux militants de la démocratie et de droits humains en Algérie. « On s'interroge comme vous sur le maintien de l'état d'urgence, alors que la tension a diminué. Autant qu'on ne comprenne pas qu'il n'y a pas plus d'ouverture dans le pays », a déclaré François Hollande. Il a demandé aux responsables du FFS si le parti allait se présenter aux élections législatives et locales de 2007. « C'est important pour nous de le savoir », a-t-il appuyé. « Le débat sur la participation aux élections est récurrent et permanent au FFS. Mais, nous ne voulons pas galvauder l'acte électoral », a répondu Abderrahmane Aïssat, qui a rappelé les différentes fraudes connues par des scrutins en Algérie. « On n'a pas entendu notre appel pour un contrôle international des élections (...) Nous sommes contre la politique des quotas, contre l'illégitimité et l'illégalité. Il y a des normes ISO pour les produits mais il n'existe pas de standard pour les Etats », a-t-il noté. Pour Rachid Hallat, le problème de « la chaise vide » ne peut pas se poser sans celui des libertés. François Hollande a plaidé en faveur de la signature d'un traité d'amitié entre l'Algérie et la France. Traité défendu par le président Jacques Chirac, mais qui n'a pas été signé à cause de la polémique née après l'adoption de la loi du 23 février 2005 sur « les bienfaits » de la colonisation. Le retrait de l'article controversé n'a pas permis de dégeler la situation. « Il faut restaurer la confiance sur la base de la vérité », a déclaré le chef socialiste, louant les vertus du dialogue. « Le traité d'amitié n'est pas l'absolution des fautes des uns et des autres. Il doit prendre en compte les valeurs qui permettront de nous rassembler... », a appuyé François Hollande.Le FFS organisera aujourd'hui une conférence de presse pour évaluer la rencontre avec la délégation du PS. Délégation qui a eu des discussions également avec des responsables du RCD, dont Saïd Sadi et Hamid Lounaouci.