L'Afrique du Sud célèbre, cette année, le vingtième anniversaire de sa libération du joug de l'apartheid. Une célébration intimement liée à l'évocation d'un personnage, un homme dont le parcours a marqué non seulement l'histoire de son pays, l'Afrique du Sud, mais aussi l'histoire de l'humanité. Il s'agit de Nelson Mandela, dont la journée est célébrée mondialement chaque 18 juillet, date anniversaire de sa naissance. L'année passée, le monde a perdu ce grand homme, mais sa pensée et son œuvre demeurent vivantes. «C'est à travers des leaders comme Nelson Mandela que nous, Sud-Africains, sommes en mesure d'affirmer être un peuple libre dans un pays libre et démocratique», a affirmé l'ambassadeur d'Afrique du Sud à Alger, Joseph Kotane, lors d'un hommage rendu hier à Mandela au forum d'El Moudjahid, à l'initiative de l'association Mechâal Echahid. L'ancien diplomate Noureddine Djoudi, qui a connu Nelson Mandela durant son séjour d'instruction auprès des militants de l'ALN, est revenu sur ce passage algérien décisif pour le chef de l'ANC (Congrès national africain). Tout en rappelant que c'est un géant de l'Afrique qui est honoré pour avoir forcé le respect du monde aux luttes de l'Afrique pour sa dignité, l'ancien ambassadeur et interprète de Mandela se dit «fier» que le pays qui a soutenu dans la dignité la lutte de l'Afrique du Sud soit l'Algérie, se disant «choqué» par l'occultation par la presse occidentale de la relation de Mandela avec l'Algérie. «Je tire une fierté du fait que nous avons été le pays qui a soutenu l'ANC sans réserve et sans demande en retour», indique M. Djoudi. Et d'affirmer que l'apport de l'Algérie a été d'une grande valeur pour la lutte de l'ANC : «Le soutien de l'Algérie n'avait pas, comme on le dit souvent, seulement un aspect militaire, il entrait plutôt dans un cadre conceptuel beaucoup plus large.» M. Djoudi précise que c'est d'abord lors d'un séjour européen que Mandela a rencontré Chawki Mostefai, qui lui a fait l'historique de la lutte algérienne, à commencer par les premiers mouvements insurrectionnels dès l'invasion du territoire algérien par l'armée coloniale française. «Une fois ces connaissances acquises, restait l'aspect militaire de la lutte de libération, Mostefai l'orienta vers l'ALN», note l'invité d'El Moudjahid. Au camp d'entraînement et de repli de l'ALN à Oujda, Cherif Belkacem prend le relais de l'initiation du jeune chef Mandela à la stratégie de la lutte armée. «Il avait découvert à son arrivée que la seule armée qui pouvait être utile à l'ANC était l'ALN de par les similitudes existant entre les souffrances des deux peuples», indique M. Djoudi. Et d'ajouter : «Il est vrai que nous avons formé militairement Mandela, mais son séjour a été très court, il n'était donc pas question de lui donner une formation de militaire qui nécessitait 45 à 60 jours. Il fallait qu'il ait une instruction pour assurer le rôle de commandant en chef. Si Djamel (Cherif Belkacem) lui a donné les explications nécessaires sur comment trouver des armes, les cacher et diriger des opérations, puis il l'envoya en zone opérationnelle Nord. Il a fallu que je lui trouve un mur pour se cacher afin de ne pas prendre le risque qu'il soit blessé. On lui donna des jumelles pour voir le déroulement de l'opération. Il eut cette réflexion en regardant les éléments de l'ALN se battre et essayer de déjouer l'ennemi : ‘Ce sont des Sud-Africains que je vois…'» Après cela, indique le même témoin, Mandela a été pris en charge par une section dirigée par Mohamed Lamari, qui lui apprit à manier les armes et les explosifs et à ramper sous les tirs ennemis. «Il a touché sa cible au premier tir», note Djoudi en précisant que Si Djamel avait pris l'engagement, suite à ce séjour, que l'Algérie mettrait tout à la disposition des frères sud-africains pour leur libération. «Si Djamel avait dit à Mandela : on ne peut pas vous dire ce que vous avez à faire, mais assurez-vous d'une base arrière pour l'acheminement des armes. Nous vous conseillons d'engager une action diplomatique pour que le régime de l'apartheid soit isolé», témoigne l'ancien diplomate, qui appelle les jeunes générations à garder intacte l'amitié entre l'Afrique du Sud et l'Algérie, les deux pôles de l'Afrique. L'ambassadeur d'Afrique du Sud, Joseph Kotane, a joint sa voix à cet appel en notant que des pays comme l'Algérie, l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Angola et l'Ethiopie sont «la capacité africaine de réponse immédiate aux crises afin de résoudre les conflits en Afrique» et de faire du continent noir un lieu de paix, de démocratie et de développement.