La déception était encore plus profonde lorsqu'on évoque le sort de Zinedine Zidane, obligé de quitter l'arène après avoir reçu un carton rouge pour avoir agressé de la tête un défenseur italien. Certaines sources indiquent, par ailleurs, que le défenseur transalpin lui a tenu des propos racistes et insulté sa mère qui serait de surcroît malade. Réagissant à chaud, Jacques Chirac, présent à Berlin, a indiqué qu'il était à la fois heureux et désolé. « Heureux, parce que les Français ont eu un comportement exemplaire jusqu'à la finale. » Et désolé, car Zidane a quitté le football avec une image regrettable. « Je ne sais pas ce qui a motivé son geste (…) J'ai énormément de respect pour lui. Je voudrais dire toute l'estime que j'ai pour un homme qui a incarné à la fois les belles valeurs du sport et qui a fait honneur au sport français. » Dimanche, peu après la fin de la rencontre, quelques milliers de supporters ont tenu, malgré tout, à se rassembler sur les Champs Elysées pour dire merci aux Bleus. Des phrases de soutien étaient projetées, toute la nuit, sur l'Arc de Triomphe avec les portraits des joueurs dessinés au laser. On pouvait lire entre autres : « Zidane, on t'aime », « Merci les Bleus », « Vous êtes dans nos cœurs » ou « Merci pour le bonheur que vous nous avez procuré ». Des rassemblements analogues ont eu lieu également au port de Marseille, à Boulogne-sur-mer, à la Castellane, à Lyon, à Bordeaux et dans plusieurs villes et villages de France. Mais le rêve de fête s'est vite transformé en chagrin et les marées humaines attendues, en cas de victoire, ont préféré rester chez elles. « C'est triste de perdre une Coupe du monde par penalty, soutient un chauffeur de taxi parisien, visiblement très remonté. La France méritait amplement sa victoire. Elle a dominé l'Italie sur tous les plans. Mais hélas, la sortie de Vieira puis de Zizou a influé négativement sur le cours du match. Sans oublier le geste malheureux de Zizou. » Abderahmane, cafetier dans le quartier de Belleville, n'en pense pas moins. Pour lui, la France est passée vraiment à côté du sacre, mais elle a prouvé qu'elle était la meilleure équipe du monde. « Hélas, les Italiens sont des joueurs rusés, provocants et agressifs. La preuve, ils ont même réussi à énerver un grand joueur comme Zidane qui, d'habitude, joue avec calme et sérénité. » A La Bastille ainsi qu'au Quartier latin, de nombreux groupes de gens ont pris possession des carrefours et autres petites placettes pour « remercier l'équipe de France de leur avoir donné du bonheur et du rêve ». Mais l'amertume se lisait indubitablement sur les visages des jeunes supporters qui n'arrivaient pas à contenir leur peine et leur tristesse. « Le destin nous a trahis, pense Rachid, un jeune de banlieue, monté à Paris pour suivre le match sur grand écran. On a très bien joué, mais la chance n'était pas de notre côté. On prendra notre revanche en coupe d'Europe. » Hier, à leur retour de Berlin, les Bleus étaient invités à déjeuner avec Jacques Chirac. Des milliers de supporters ont tenu à remercier cette équipe de France pour le bonheur vécu durant un mois. Alors que la génération de 1998 (Zidane, Thuram, Vieira, Barthez…) a tourné définitivement la page, une nouvelle est en train de naître. Elle s'appelle Ribery, Sagnol et Abidal.