Le Grand voyage, d'Ismaël Ferroukhi, déjà primé à la Mostra de Venise, risque fort de remporter aussi le Bayard d'or du meilleur film du Festival de Namur. C'est une œuvre singulière qui innove le genre « road movie » et qui déborde d'inspiration et de talent. Le Grand voyage prend sa source à Marseille et s'achève à La Mecque, par la route, passant par Milan, Larbjana, Zagreb, Belgrade, Istanbul, Damas, Amman pour rejoindre enfin l'Arabie Saoudite. Peu de temps avant d'entrer à l'université, un jeune émigré, né en France de père marocain, est obligé par son père de le conduire jusqu'à La Mecque pour accomplir son pèlerinage. Le jeune Réda s'arrache à contre-cœur à sa vie en Provence, à sa belle petite amie et part dans une inexorable odyssée aux côtés de son père, dont il ne gobe pas trop la rigueur traditionnelle et la tendance à l'ordre. Dès le départ, ce long périple s'annonce difficile. Les rapports père et fils commencent par être orageux. L'un tient au respect absolu du sens sacré de ce voyage vers La Mecque. L'autre s'en fiche éperdument. Il lui arrive au cours de ces 5000 km de « pécher » un peu, saoûlerie à Istanbul, boîte de nuit à Amman... Le fossé se creuse, les crises éclatent, mais à travers ces paysages immenses parcourus, pleins d'imprévus et d'incertitudes, peu à peu Réda communique avec son vieux père. L'indifférence et l'hostilité du départ laissent finalement (au bout de 5000 bornes) la place à la reconnaissance mutuelle, à la réconciliation. En plus de la trajectoire passionnante de ces rapports père-fils (souvent vécus intensément dans l'émigration), Le Grand voyage atteint des sommets de beauté et de poésie quand il nous fait découvrir les amples paysages parcourus, les villes, les habitants rencontrés au hasard des haltes. Ismaël Ferroukhi, jeune cinéaste marocain formé à Bruxelles (Insas), possède un talent très sûr, supérieur en tout cas à beaucoup de réalisateurs présents à Namur. Alors que le business s'installe au cœur de la francophonie (150 sponsors sont associés au Festival de Namur !), il y a une seule chose qui chagrine les médias locaux, c'est l'absence de la très craquante Adriana Karembeu, prévue pourtant pour présenter le film : Trois petites filles, de J. Lottubert. Trois adolescentes à la recherche de Johnny Depp et Vanessa Paradis à travers la Corse. Johnny Depp, dans cette histoire à dormir debout, est censé payer de sa personne pour aller à Alger et convaincre les autorités d'empêcher le mariage forcé de Lila (l'une des adolescentes fugueuses) avec son cousin resté au pays...Que fait Adriana Karembeu là-dedans ? Elle est gogo-dancer dans des cabarets corses, et elle va contribuer peut-être à sauver Lila. A fuir de toute urgence, si ce n'était le maillot de bain très spécial d'Adriana. Dans le genre loufoque aussi, la comédie du Haïtien Dany La ferrière Comment conquérir l'Amérique en une nuit ? Cela se passe à Montréal où un émigré de Port-au-Prince fait le bilan de sa vie. Il y a de l'attrait et de la vindicte du cinéaste, lui-même émigré au Canada, mais tout est tempéré par l'humour ! Film bourré d'emphase cependant.