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«Il y a une clause dangereuse dans ce projet de loi» Dalila Djerbal. Sociologue, membre du réseau Wassila de lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants et responsable du centre d'écoute
- Quelle est votre impression générale concernant le projet de loi adopté par le Conseil des ministres ? Il y a une avancée, mais on est loin d'être satisfaites des propositions de ce projet de loi. Considérons-le comme une première étape, résultat d'un long combat des associations de femmes. Nous attendons de voir le contenu de la loi quand elle sera publiée et surtout des mesures d'application. Pour rester sage, nous allons lui accorder le bénéfice du doute, mais la question qui se pose est : est-ce que cette loi, si toutefois elle aboutit, aura un impact sur la réalité du terrain. Cela, pour en parler globalement, plus en détail, il y a plusieurs points qui ne sont pas très rassurants. - En quoi ce projet de loi vous déçoit-il ? C'est la clause qui absout du crime, «quand la femme pardonne à son agresseur», or on parle dans la loi «de violences ayant entraîné une incapacité temporaire, un handicap permanent ou une amputation». C'est une clause dangereuse et même grave qui responsabilise la victime alors que c'est l'Etat qui doit rester le seul responsable de la protection de l'intégrité des personnes. On ne peut pas responsabiliser la victime concernant les violences qu'elle subit quand on sait la vulnérabilité sociale dans laquelle les femmes vivent. Nous les rencontrons et les recevons tous les jours. Les femmes qui se font battre ont peur et subissent beaucoup de pression. On sait que la grande majorité des victimes retirent la plainte par peur, parce qu'elles craignent de se retrouver dans la rue avec les enfants, parce qu'elles n'ont pas de logement. Seulement 17% des femmes travaillent. Alors devant cette situation actuelle de vulnérabilité sociale, il faut une vraie protection et responsabilité de l'Etat dans l'intégrité physique et morale des citoyennes, et il doit poursuivre les criminels. Va-t-il se décharger de sa responsabilité sur les victimes ? - Que pensez-vous de la création d'un fonds de pension alimentaire ? Je pense qu'il y a un sérieux amalgame sur la question. Tout le monde parle d'un fonds d'aide aux femmes divorcées, or c'est un fonds pour les enfants. Il ne faut donc pas interpréter la création de ce fonds comme un soutien pour les femmes divorcées, ceci d'une part. Cette loi arrive très en retard, d'autre part. Elle a été proposée par des députées il y a une dizaine d'années et elle avait été refusée. Si elle est toutefois adoptée, il faut qu'elle soit accompagnée de mesures concrètes pour son application. Les amendements proposés dans ce projet de loi doivent impliquer toutes les institutions de l'Etat pour toucher les professionnels concernés par les cas de violence pour un changement réel sur le terrain.