Le président du Mouvement pour la société et la paix (MSP) – parti d'obédience islamiste qui joue un rôle actif dans le cadre de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) regroupant des partis de l'opposition et des personnalités nationales – semble de plus en plus douter de l'efficience de l'action politique pacifique pour opérer un changement démocratique dans le pays. Ce pessimisme est résumé dans cette déclaration aux accents d'un homme politique lassé par les difficultés qu'éprouve l'opposition à mobiliser l'opinion pour changer le système. «Le peuple algérien n'est pas encore mûr pour le changement pacifique», avait-il confié dans une de ses récentes déclarations. Cette confession politique résonne comme un aveu d'échec d'abord de sa formation politique, ensuite de la CNLDT, pour forcer les carcans de l'immobilisme et du statu quo dont se nourrit le système pour se maintenir et se perpétuer. A bien décrypter le message du chef du MSP, le nœud gordien qui empêche l'Algérie de s'affranchir du système politique en place de manière ordonnée et civilisée, par la voie du dialogue politique et des urnes transparentes et régulières, résiderait dans le faible niveau de conscience politique du peuple algérien. D'autres hommes politiques, de manière moins prosaïque que le responsable islamiste qui sait ménager sa monture, ont qualifié le peuple, sous l'effet d'une colère mal contenue d'après-élection, de «ghachi», avouant s'être «trompés de société». Il faudra un jour que l'opposition fasse aussi son autocritique sans complaisance, pour expliquer aux Algériens qui ne se reconnaissent pas dans les programmes politiques des partis pourquoi ils n'arrivent pas à mobiliser et à faire passer leurs messages dans la société. C'est à travers son compte facebook que le président du MSP a dévoilé la stratégie de sa formation politique pour sortir de cette quadrature du cercle dans laquelle est enfermée l'opposition. Fort de sa conviction que le changement pacifique par la voie de l'alternance démocratique est une hérésie politique dans l'état actuel du débat national, il n'hésite pas, via les réseaux sociaux, à mettre un autre fer au feu en surfant sur la vague de la révolution en tant que moteur du changement, mais en prenant bien soin de ne pas trop se mouiller pour ne pas être accusé d'appeler au soulèvement populaire. «Si la rue venait à basculer, nous ne resterons pas les bras croisés, nous serons du côté du peuple», a averti M. Mokri. Cette sortie de M. Mokri – qui alterne le chaud dans la sphère politique publique et le froid en privé, dans ses rapports avec le pouvoir – lui permet, tout en s'impliquant dans des initiatives politiques comme celle de la CNLTD, de garder son autonomie de réflexion et d'action. En agitant l'épouvantail de la rue, M. Mokri cherche en même temps à sortir du monologue politique dans lequel s'est enfermée la Coordination et à rappeler aux dirigeants que le spectre des révolutions arabes plane toujours sur notre pays. Derrière l'activité partisane officielle, le MSP semble ne pas négliger, dans sa stratégie de conquête du pouvoir, l'option du changement par la rue qui est un choix cardinal dans les fondements doctrinaux du parti.