Et revoilà la main de l'étranger ! Décidément, certains éléments de langage de nos hommes politiques résistent au temps et défient l'intelligence. L'ingérence étrangère ? Voilà donc un vocable qui a fait trop de mal au pays à force d'être galvaudé sans jamais prendre une ride. Certains acteurs politiques, rarement lucides, souvent à court d'arguments et toujours prêts à servir sans rechigner le régime qui les emploie, développent une espèce de réflexe pavlovien à l'égard de tout ce qui vient de l'étranger. Ils se croient les gardiens du temple du patriotisme. Les derniers remparts contre ceux qui voudraient, d'après leur littérature, «vendre» leur pays. C'est ce disque rayé qu'on vient d'entendre à satiété dans le sillage des entretiens entre une délégation de l'Union européenne et les partis de l'opposition. Les animateurs de la CNLTD, du Pôle du changement et du FFS, entre autres, en ont entendu des vertes et des pas mûres de la part du «patriotissime» Amar Saadani. Ils seraient «téléguidés par des forces invisibles pour nuire au pays»… La sentence du chef du FLN est terrible : trahison. Ça vole vraiment au ras des pâquerettes ! Un Amar Saadani détenteur d'une carte de résident VIP en France qui accuse, par exemple, un diplomate de la trempe de Abdelaziz Rahabi d'intelligence avec l'étranger… Non mais, un peu de sérieux ! On ne peux pas tromper tout le monde tout le temps avec ces histoires «d'ingérence», de «trahison», «d'agenda externe». On est en 2014. Ce vieux machin du FLN, on l'agitait comme un chiffon rouge pour complexer les adversaires politiques et les vouer aux gémonies. Le pouvoir a beau mobiliser «sa» télévision et télécommander ses clones privés et ses relais médiatiques, il ne pourra pas instiller, dans l'esprit des Algériens, ce discours viral. Un discours insidieux selon lequel les partis et les personnalités de l'opposition seraient de simples appendices des ennemis de l'Algérie, si tant est que l'Union européenne est classable dans cette catégorie. Tout le monde a relevé cette riposte organisée par le pouvoir suite aux échanges somme toute banals entre les émissaires de l'UE et certains leaders de l'opposition. Amar Saadani, qui a dégoupillé la grenade, fut pourtant le premier à avoir reçu ces mêmes Européens, devenus soudainement pas très fréquentables, voire suspects. Mais on l'aura compris, le régime et ses béquilles politiques n'aiment que leur discours, forcément triomphaliste, soit battu en brèche par des voix discordantes. C'est ce qui a gêné Saadani, Ghoul et leurs inspirateurs. Il est curieux de constater que pas une voix ne s'était élevée pour dénoncer le dîner entre John Kerry et Sid Ahmed Ghozali, en pleine campagne électorale de surcroît ! Cette dénonciation à géométrie variable a quelque chose de pas très net. Elle cache mal la frilosité du régime à son stade final, qui tente, par instinct de survie, de jouer maladroitement sur la fibre patriotique. Mais l'Accord d'association qui a rendu possible ces audiences «malvenues» n'a pas été signé par Soufiane Djilali, Benflis, Belabbas et Nebbou, mais bien par le gouvernement de Bouteflika. Eh oui, il y a des retours de flamme qui vous brûlent le visage…