Israël, qui est doté d'un potentiel militaire exceptionnel, n'a pas été en mesure de réduire le Hezbollah au bout de vingt-cinq jours de bombardements intensifs et d'incursions sur le sol libanais. Les militaires israéliens ont reconnu, en de nombreuses occasions, qu'ils avaient sous-estimé les capacités de résistance de la milice chiite libanaise et que la décision était loin d'être faite. L'état-major israélien, très discret sur les pertes dans les rangs de son corps expéditionnaire, a été forcé de battre le rappel de nombreux réservistes en vue de prêter main-forte aux effectifs déjà déployés sur le théâtre des opérations. Les tentatives de pénétration massive de l'armée israélienne au Liban se sont heurtées chaque fois à une opposition acharnée du Hezbollah qui paraît avoir l'avantage d'une meilleure connaissance du terrain et, sans aucun doute, le bénéfice logistique de s'être préparé de longue date à un affrontement durable. Les soldats israéliens qui ont été confrontés aux miliciens du Hezbollah les décrivent comme des combattants aguerris sur lesquels ils n'avaient que des idées reçues auparavant. Les militaires israéliens, si sûrs de leur écrasante et rapide victoire, n'ont-ils été autorisés à faire de telles déclarations que pour se justifier auprès de leur opinion publique ? A cet égard, la stratégie israélienne n'a pas été couronnée de succès dans la mesure où les frappes intensives n'ont pas détruit, comme cela était envisagé, les batteries de missiles et de roquettes du Hezbollah,et que dans les affrontements au sol, la milice chiite a contenu les offensives des Israéliens. L'agression israélienne au Liban qui se voulait une offensive éclair a montré les limites d'une action au jugé. Les moyens d'observation et de surveillance dont dispose Israël ne lui ont pas permis de localiser et de détruire les capacités de frappe du Hezbollah qui, dans cette épreuve du feu, dispose de l'argument de la mobilité. Israël en tire prétexte pour faire feu sur tout ce qui bouge, non sans avoir massivement détruit toutes les voies terrestres qui permettraient au Hezbollah de déployer et de tirer ses roquettes et ses missiles sur les objectifs ennemis. En atteignant des sites proches de Tel-Aviv, alors que l'agression israélienne entre dans son vingt-cinquième jour, le Hezbollah cherche à s'attacher un avantage psychologique. Cela se traduira inévitablement par des représailles israéliennes dont pâtiront des civils désarmés. Israël s'engage ainsi dans une guerre d'usure dans laquelle il lui faudrait venir à bout des quarante mille combattants dont disposerait le Hezbollah tout en l'empêchant de tirer les douze mille roquettes et missiles qui lui sont attribués. C'est le Liban qui sera changé, pour cela, en champ de ruines. Il n'y a, en effet, que peu d'illusions à nourrir sur les forces en présence. A moins d'une médiation urgente de la communauté internationale pour faire aboutir un cessez-le-feu qui aurait l'aval de toutes les parties impliquées, Israël voudra aller au bout de sa logique de destruction du Liban. L'hypothèse d'une victoire militaire d'Israël est en cela aléatoire car elle ne règlera pas la dimension politique du conflit qui, au mieux pour l'Etat hébreu, se soldera par une paix des cimetières. Car, dans le cas où le Hezbollah serait désarmé et définitivement éliminé de la scène libanaise, à quoi servirait la force d'interposition que nombre de voix appellent de leurs vœux en s'attelant à défendre le bien-fondé y compris au sein de l'ONU ? Une fois le danger du Hezbollah si fortement décrié par Israël et l'Amérique écarté, l'installation de forces multinationales au Liban pourrait ressembler à une occupation militaire, pour le compte d'Israël, qui ne dit pas son nom.