Venus en France pour étudier, ils se retrouvent sous la menace d'expulsion. Souvent obligés de travailler pour payer leurs études, ils n'ont pas pu concilier les deux. Sans-papiers, ils refusent de prendre le chemin du retour. Paris De notre correspondant Farid utilise un arabe populaire et un français ampoulé dans la même phrase. Il parle vite, comme s'il devait se débarrasser rapidement de ce qui le préoccupe pour revenir à l'accessoire. Sa préoccupation : l'OQTF, (Obligation de quitter le territoire français), principale mesure d'éloignement qui concerne les étrangers. Une fois reçue, l'intéressé(e) doit quitter la France dans un délai de 30 jours. La sienne, Farid l'a reçue début septembre dernier. Depuis, il a rejoint les rangs toujours plus importants des sans-papiers. Pour l'étudiant arrivé d'Annaba il y a trois ans, réussir les études en France relève avant tout d'un déterminisme social. «Si tu as des parents qui peuvent te payer ta scolarité, il n'y a aucun problème pour suivre le cursus universitaire. Ce n'est pas mon cas, chaque euro dépensé est une agression. Courir tous les jours de Paris VIII (université) pour prendre son poste au McDo jusque tard dans la nuit est un boulot à plein temps. Pas le temps de réviser, de vivre, de se documenter, une course contre la montre qui mène tout droit à l'échec. Et ce n'est pas propre aux Algériens, même les Français en souffrent. L'éducation est inégalitaire.» Résultat : il perd sa chambre universitaire, l'aide au logement (APL), son travail à temps partiel dans la restauration rapide et son titre de séjour. Commence alors la débrouille pour survivre, pour éviter la police, pour trouver un toit, un travail nécessairement au noir. Un retour en Algérie ? Regard méprisant, expression excédée : «Et vous, pourquoi vous ne repartez pas ? Question de journaliste», s'indigne Farid, qui rejoint un ami d'infortune pour vendre des cigarettes «LM» à la sortie du métro. Mounir n'a rien vu venir. Il a raté une seule fois son année. Sentence : un mois pour quitter la France. Le mois s'est transformé en années, quatre exactement. Fin connaisseur de la loi, il croit avoir trouvé une faille : devenir commerçant en créant une entreprise de gardiennage. Mounir, légèrement rondouillard, garde un sourire sur les lèvres, même dans les moments difficiles. «Mon histoire a sa place dans une thèse de sociologie ou dans une chanson sur l'immigration. Quand je suis arrivé à Paris, je croyais que mon père allait m'aider, m'héberger dans un premier temps et me payer les frais de scolarité. Ça, c'était avant que je comprenne qu'il vivait dans un foyer Sonacotra et qu'il s'échine pour mettre quelques sous de côté à chaque fin de mois. Il m'avait donné 1000 euros et souhaité bonne chance. J'ai refusé l'argent, la chance, quant à elle, a fait sa capricieuse.» L'étudiant en communication s'est découvert des mains en or. Parquet flottant ou en bois, peinture, plomberie, carrelage, il maîtrise tous les corps de métier du bâtiment. Il ne chôme pas. Du travail non déclaré. «J'ai une règle de conduite : ne pas conduire. Au moindre contrôle, direction l'aéroport». Hassan a deux priorités : retrouver son statut d'étudiant et fonder une famille, avec une précision de taille : une «fille du bled». Hassan a un problème avec les Françaises. Par extension, les Algériennes vivant en France. Il les trouve «trop libres, pas assez respectueuses de la religion et de nos coutumes». Question de journaliste : qu'est-ce cela à voir avec le schmilblick ? Réponse byzantine. Farid n'attend rien sur le plan administratif, Mounir rêve d'une régularisation «arrachée par ses mains» et Hassan d'une reconnaissance.